Labé, 27 Mars (IBC) – Il y a quelques semaines, une femme de 60 ans a été tuée par un feu de brousse qui a ravagé 6 cases et leurs contenus, deux enclos de bétail et 4 clôtures en haie vive à Laariyaaɓe Gaɗa. Un district relevant de la commune rurale de Hafia, située à une vingtaine de kilomètres, du côté Sud du chef-lieu de la préfecture de Labé. Ce drame relance le débat sur le rôle et l’efficacité des services déconcentrés du département de l’Environnement, des Eaux et Forêts dans la lutte contre les feux de brousse.
Par Idrissa Sampiring Diallo
Malgré tous les efforts fournis par le gouvernement guinéen et ses partenaires techniques et financiers, les feux de brousse constituent, de nos jours, un des fléaux qui contribuent dangereusement à la déforestation et à la dégradation de l’écosystème en République de Guinée. Ce constat alarmant se vérifie bien dans la préfecture de Labé où des nombreux cas sont signalés dans presque toutes les collectivités décentralisées y compris la commune urbaine.

« La propagation des feux de brousse se fait aujourd’hui de façon très grave dans la préfecture de Labé. On peut dire qu’il n’y a pas cette sous-préfecture ou commune qui n’a pas la moitié de sa superficie brûlée. Environs 80% de la superficie de la préfecture de Labé, c’est brûlé » regrette le chef de la Section Environnement de la préfecture de Labé, Mamadou Oury Kobéra Diallo.
« Il y a eu vraiment des cas de feux dans certaines sous-préfectures. Quand je prends le cas de Hafia, le cas de la commune urbaine même. Même entre la commune urbaine et la sous-préfecture de Popodara, à Gaɗa Kanka ici. Il y a aussi la sous-préfecture de Dalein. Il y a donc certaines sous-préfectures qui sont victime de ce feu qu’on appelle feu tardif » ajoute Samba Diawo Diallo, chef de la Section des Eaux et Forêts de Labé.

Les conséquences directes sont regrettables, selon Mamadou Oury Kobéra Diallo de la Section Environnement de Labé : « quand il y a des feux de brousse répétitifs dans une forêt, ça provoque automatiquement la disparition de la forêt et quand la forêt disparaît, c’est la terre qui est exposée à l’érosion hydraulique. Les animaux sont complètement décimés. Le peu qui a pu fuir a fui. Les cours d’eau vont tarir, parce que nous savons bien que ce sont les forêts qui constituent le tapis qui retient les nappes phréatiques qui gardent l’eau. Aussi, les feux de brousse détruisent la fertilité du sol, ainsi c’est l’agriculture qui subit les conséquences. On peut dire que les conséquences des feux de brousse sont néfastes.»
Il y a quelques semaines, une femme de près de 60 ans a été tuée par un feu de brousse parti de près de 100 mètres de la concession familiale. Cet incendie a également ravagé 6 cases, deux enclos de bétail et 4 clôtures en haie vive à Laariyaaɓe Gaɗa, relevant de la commune rurale de Hafia, à une vingtaine de kilomètres du côté Sud du chef-lieu de la préfecture de Labé.

« Cette réalité se voit à ciel ouvert. Ce feu nous a beaucoup fatigué. Nous l’avons éteint 4 fois. Quelques temps après, ce feu s’est formé en boules en provenance des buissons de ce cimetière pour tomber sur les habitations en case. On ne pouvait plus rien faire. Pendant que les flammes étaient en train de consumer ces cases, la femme est allé prendre ses habits, les flammes l’ont touché. Elle a été évacuée immédiatement à l’hôpital régional où elle a reçu les premiers soins. Mais, elle est décédée, entretemps » confirme Thierno Mamadou, imam de la localité et proche de la victime.
Cette dame qui n’a pas eu la chance d’être mariée à cause certainement de sa petite taille, a trouvé la mort dans des circonstances et pathétiques.
« Cette femme qui est décédée est une pygmée. Très mince. Mais, entretemps, elle a quitté la case ici, elle a contourné pour aller chercher ses habits, les flammes l’ont touché. Ce qui a brûlé son corps. Mais, les habits qu’elle portait n’ont reçu aucune trace du feu. Elle n’a pas crié. Même à l’hôpital, elle n’a pas fait de bruits. C’est comme si quelqu’un tenait sa bouche. Elle n’a pas du tout crié au secours. Elle avait une bonne santé mentale » précise son frère imam, Thierno Mamadou.
Préoccupé par les nombreux cas de feux de brousse et de destruction de la forêt, le président du conseil préfectoral des organisations de la société civile (CPOSC) de Labé, Mamadou Alimou Barry dénonce le manque de conscience professionnelle des conservateurs de la nature déployés dans ces collectivités décentralisées par leur département de tutelle.
« Dans chaque collectivité, nous avions au moins deux ou trois conservateurs de la nature. Mais, on les appelle les conservateurs de la nature. En principe, ils devaient prendre des actions pour éviter les feux de brousse, pour éviter la coupe abusive du bois. Mais, qu’est-ce que nous constatons ? Ces conservateurs de la nature, au-lieu d’aller dans la forêt pour préserver, pour prévenir, ils sont au niveau des routes pour arrêter des gens qui ont des chaque de charbon, alors que la forêt a été déjà détruite, pour rançonner les gens. Ils sont au niveau des fours à briques pour demander de l’argent. Ils sont là juste pour rançonner, pour sanctionner, au-lieu de prévenir. On les appelle des conservateurs. Aux-lieu de conserver la forêt, ils attendent que la forêt soit détruite pour venir au niveau des routes demander de l’argent aux gens qui ont détruit la forêt.»
Une complicité active qui fait qu’aucune enquête n’aboutit. Les auteurs des feux de brousse sont rarement ou ne sont jamais retrouvés par les fameuses enquêtes ouvertes.
« On ne recherche même pas celui qui a allumé le feu. Sinon, ils ont une technique. Par le passé, quand il y a un feu qui est déclaré dans une brousse, dans une forêt ou au niveau d’un bowal, le technicien spécialiste des feux de brousse peut suivre les traces pour savoir réellement d’où est venu le feu, l’origine du feu. A partir de là, on mène des enquêtes pour identifier les coupables. Mais, ça ne se fait plus » a déploré le responsable de la société civile de Labé.
Par contre, au nom des mis en cause, le chef de la Section des Eaux et Forêts de Labé, Samba Diawo Diallo explique que les responsabilités sont partagées entre le corps des conservateurs de la nature, la population et les autorités locales.
« Même quand nos agents vont pour des enquêtes, on se cache. On dit toujours que c’est un fou, c’est un passant. Il faut que la population accepte de collaborer avec les services techniques, il y va dans l’intérêt de tout le monde, particulièrement des riverains. Qu’on ne se décharge pas seulement sur le service des Eaux et Forêts » s’est-il défendu.
Qu’à cela ne tienne ! Si rien n’est fait dans les meilleurs délais par tous les acteurs concernés, la Moyenne Guinée, historiquement appelée Château d’eau de l’Afrique de l’Ouest, deviendra sous peu une région désertique où il ne fera plus beau vivre pour les nostalgiques d’un passé lointain du Fuuta Jaloo.
IBC/27/03/2021 Star21tv/ISD