Guinée, 20 août (Infosbruts.com) – L’ancien ministre Amadou Thierno Diallo estime que le projet de nouvelle Constitution guinéenne trahit son propre article 1er en proclamant la souveraineté du peuple tout en réservant l’initiative de la révision constitutionnelle au Président et au Parlement. Selon lui, cette restriction viderait le principe de sa substance. Une critique qui, bien que séduisante, repose sur une confusion qu’il convient de dissiper.
La souveraineté populaire ne se réduit pas à la capacité des citoyens à déclencher eux-mêmes une réforme. Elle réside dans le fait que toute autorité émane du peuple et doit agir en son nom. Dans la plupart des grandes démocraties, l’initiative de révision est institutionnelle, non citoyenne directe. Aux États-Unis, l’ancien ministre cite le fameux « We the People », mais en réalité l’amendement constitutionnel ne peut être proposé que par le Congrès ou par les législatures d’État. Le peuple n’a pas d’initiative directe. En France, en Allemagne, en Espagne ou au Sénégal, la même logique prévaut : l’initiative appartient aux institutions élues, mais toute réforme engage in fine la souveraineté populaire par un vote ou une ratification parlementaire renforcée. Autrement dit, réserver l’initiative aux institutions n’est pas une négation de la souveraineté, mais un mécanisme de stabilité.
Ce qui fait la souveraineté du peuple, ce n’est pas d’écrire chaque projet de révision, mais de décider en dernier ressort. Une Constitution démocratique garantit que nul changement fondamental ne peut avoir lieu sans l’assentiment du peuple, directement ou par ses représentants. C’est le vote, et non l’origine de la proposition, qui consacre la souveraineté.
Une Constitution n’est pas un cahier de doléances ouvert chaque matin. Si chaque groupe de pression ou minorité pouvait déclencher une révision à sa convenance, la stabilité institutionnelle s’effondrerait. L’exemple de certains pays d’Amérique latine, où les Constitutions ont été modifiées des dizaines de fois en quelques décennies, illustre le risque : inflation normative, instabilité chronique, perte de crédibilité de la loi fondamentale. Encadrer l’initiative, loin de restreindre la souveraineté, permet de la préserver dans la durée.
Certes, d’autres modèles existent. La Suisse ou la Californie aux États-Unis reconnaissent l’initiative populaire constitutionnelle. Mais ce n’est pas un critère absolu de démocratie : ce sont des choix de modèles, entre démocratie représentative et démocratie participative. La Guinée peut, demain, réfléchir à un équilibre plus participatif. Mais affirmer que l’absence d’initiative citoyenne directe « vide » la souveraineté de sens est une exagération.
En définitive, la souveraineté populaire ne disparaît pas parce que l’initiative de révision est encadrée. Elle s’exprime d’abord par le fait que toute autorité découle du peuple, et surtout par le pouvoir ultime de ratifier ou de rejeter tout changement fondamental. La vraie question n’est donc pas de savoir si le peuple est souverain, il l’est par essence, mais quel modèle de démocratie la Guinée choisira pour exercer cette souveraineté : représentatif, participatif, ou un équilibre des deux.
Chérif Sampiring Diallo
Éditorialiste InfosBruts.com
« Une plume au service de la Guinée »