Guinée, 9 août (Infosbruts.com) – La récente annonce de la démission de Dr Mouctar Diallo, ancien ministre de la Jeunesse et président fondateur du parti Nouvelles Forces Démocratiques (NFD), a surpris une partie de l’opinion publique guinéenne. Si le geste est officiellement présenté comme un retrait de la politique active, accompagné d’un vœu de disponibilité à servir la République, il soulève en filigrane de nombreuses interrogations, notamment sur son timing, sa portée réelle, et ses intentions profondes.
Un geste salué… en surface
Dans un contexte politique où les leaders peinent à céder la place, la décision de Mouctar Diallo peut être perçue comme un acte de maturité. En quittant la tête de son parti, il offre un signal fort à une nouvelle génération de militants politiques. Il s’agit aussi, selon ses proches, d’un recentrage stratégique, après plusieurs années passées à occuper des fonctions publiques et politiques de premier plan.
Cependant, cette lecture optimiste ne saurait suffire à expliquer une telle décision sans tenir compte du moment choisi et du climat politique actuel.
Un timing qui questionne
Le départ de Dr Mouctar Diallo intervient à quelques semaines seulement du référendum constitutionnel du 21 septembre 2025, moment décisif pour l’avenir institutionnel du pays. Dans ce contexte tendu, son retrait peut être perçu comme un calcul politique, lui permettant :
• De se mettre à l’écart d’un débat potentiellement polarisant ;
• De préserver son image en cas de tensions ou de contestation autour du processus référendaire ;
• De rester disponible pour d’éventuelles propositions venant du régime en place, tout en évitant l’étiquette de soutien direct ou d’opposant déclaré.
Une mise en réserve de la République ?
En déclarant qu’il reste « disponible pour servir la République », Dr Diallo ne se retire pas vraiment de la scène nationale. Il adopte plutôt une posture d’attente active, laissant entrevoir une transition douce vers d’autres formes d’engagement – techniques, administratives ou diplomatiques – en dehors du champ partisan.
Cette démarche pourrait également être interprétée comme un signal bienveillant envoyé au CNRD et à son gouvernement, dans l’espoir d’un repositionnement dans l’appareil étatique, sans confrontation politique directe.
Une influence en perte de vitesse ?
Il faut aussi se demander si ce retrait n’est pas le résultat d’un affaiblissement politique réel. Ces dernières années, les NFD ont perdu en visibilité sur la scène nationale. Malgré un ancrage local, notamment à Labé et dans certaines préfectures du Foutah, le parti n’a pas su maintenir une force électorale crédible sans alliance ou coalition.
Ajoutons à cela que Dr Mouctar Diallo, malgré un passage remarqué dans deux gouvernements de la République, n’a jamais réussi à s’imposer comme une figure centrale de l’opposition ni à influencer durablement le cours des grands débats nationaux. La montée de nouvelles figures plus jeunes, plus directes, et souvent plus critiques du pouvoir a contribué à marginaliser progressivement sa voix.
Un héritage contrasté
Engagé dès le début des années 2000, Mouctar Diallo restera dans l’histoire politique récente comme l’un des leaders de la jeune génération qui ont tenté de renouveler le discours politique en Guinée. Modéré, souvent pondéré dans ses prises de position, il a pourtant évolué dans une posture ambivalente, parfois trop prudente pour un contexte politique aussi tranché.
Son retrait ne provoque donc pas de séisme, mais marque la fin d’un cycle, celui d’une génération de leaders réformistes issus des premières transitions démocratiques post-militaires.
Un départ discret, mais pas sans ambition
En résumé, la démission de Dr Mouctar Diallo est à la fois :
• Un acte rare de détachement volontaire dans une culture politique marquée par la personnalisation du pouvoir ;
• Un timing suspect, à l’approche d’un moment constitutionnel critique ;
• Un positionnement flou, qui oscille entre retrait réel et manœuvre de repositionnement stratégique.
Il quitte la scène politique sans fracas, mais sans tourner la page pour de bon. S’il s’agit d’une mise en scène, elle est bien orchestrée. L’avenir dira si ce départ n’est qu’une pause avant un retour, ou l’épilogue discret d’un parcours en déclin.
Par Idrissa Sampiring Diallo pour Infosbruts.com