Guinée, 31 juillet (Infosbruts.com)- Entre 2010 et 2021, la Guinée a traversé une décennie sombre, marquée par une montée inquiétante de la radicalisation politique. Des discours incendiaires ont remplacé les débats d’idées. Des partis ont troqué le projet de société contre des stratégies fondées sur les clivages ethniques et identitaires. Le militantisme politique s’est mué en activisme haineux, parfois organisé, parfois encouragé.
Dans cette logique, certaines formations n’ont pas hésité à créer de véritables cellules de violences urbaines, les tristement célèbres « sections cailloux », élevant l’affrontement en mode d’action politique légitime. Le champ politique s’est progressivement polarisé, miné par des leaders plus soucieux de mobiliser par la peur que de rassembler par la vision.
De la politique à la haine ordinaire
Au lieu d’être une force d’alternance constructive, l’opposition politique s’est trop souvent révélée sectaire, tribale, et parfois complice des violences. Ce glissement a été toléré, parfois même salué au nom d’un prétendu « combat démocratique ». Résultat : le tissu social guinéen en sort profondément fissuré.
Aujourd’hui, les tensions ne s’expriment plus seulement entre partis, mais au sein même des familles, des quartiers, des communautés. Le débat d’idées a laissé place aux invectives. Les réseaux sociaux sont devenus des tranchées, où les opinions se jettent à coups de haine. L’espace public est saturé d’un bruit agressif, où l’écoute et le dialogue n’ont plus droit de cité.
Le prix du silence
Pendant des années, les institutions ont fermé les yeux. La violence, qu’elle soit verbale ou physique, a été banalisée. L’impunité a nourri les extrêmes. Aujourd’hui, nombreux sont ceux – dans toutes les composantes de la société – qui s’interrogent : comment sortir de cette spirale ? Comment retrouver une vie politique digne, apaisée, constructive ?
L’heure des choix courageux
La refondation politique de la Guinée passe par des décisions fortes. Il ne s’agit plus de composer avec ceux qui ont sapé les fondements du vivre-ensemble. Il est temps d’assainir le paysage politique. Il est temps d’exclure, temporairement ou durablement, ceux qui ont promu la violence et fracturé la nation.
Parmi les mesures urgentes à envisager :
Un audit moral et politique des responsables : toute personne ayant incité à la violence ou entretenu des milices devrait être déclarée inéligible pour une période donnée.
Une charte politique contraignante, signée par tous les partis, interdisant explicitement la violence, avec des sanctions précises en cas de manquement.
Une justice indépendante, capable de traiter avec rigueur et impartialité les crimes politiques et les discours haineux.
Un programme national de déradicalisation politique, impliquant les médias, les chefs religieux, la société civile, pour réconcilier les Guinéens avec les principes du débat démocratique.
Une réforme de l’enseignement civique, pour transmettre dès le plus jeune âge les valeurs de tolérance, de respect et de responsabilité citoyenne.
Réparer sans renier
Il ne s’agit pas de bâillonner les opinions, mais de poser des limites claires. D’instaurer un cadre où le pluralisme s’exprime dans la paix, sans que la divergence ne soit un motif d’exclusion ou d’affrontement.
La Guinée ne pourra pas construire une démocratie stable sur les ruines d’une décennie d’hostilité. La refondation a un prix : celui de la fermeté. Ceux qui ont divisé ne peuvent aujourd’hui prétendre unir. Ceux qui ont mis le feu à la maison commune ne peuvent en être les architectes de la reconstruction.
Il est temps de tourner la page, avec lucidité, responsabilité, et courage.
Par Mamadou Chérif Diallo pour InfosBruts.com