Guinée, 12 nov. (Infosbruts.com) – Il y a, dans certains débats, une légèreté qui confine à la désinvolture. Depuis quelques mois, le projet Simandou est devenu la cible d’un chœur improvisé de commentateurs pressés, pour qui le chiffre de 15 % détenu par l’État guinéen serait une humiliation nationale. Quinze pour cent, disent-ils avec un sourire narquois, comme si le destin d’une nation pouvait se mesurer à la simple arithmétique de l’indignation. Mais ceux qui ricanent de ce pourcentage oublient que l’économie, elle, ne rit pas : elle calcule, elle pèse, elle anticipe.
Simandou n’est pas une mine, c’est une architecture. Un projet d’envergure mondiale intégrant mine, voie ferrée et port en eaux profondes, pour un investissement minier estimé à environ 23 milliards de dollars. Et 15 % de cette somme, ce n’est pas une broutille : c’est l’équivalent de 3,45 milliards de dollars de valeur. A ce niveau, nous ne parlons plus de symboles, mais de leviers. Le mépris affiché par certains face à ces chiffres relève moins de la lucidité que de la paresse intellectuelle. Car il faut un minimum d’honnêteté pour reconnaître que 3,45 milliards de dollars de participation dans un projet structurant, c’est tout sauf négligeable.
Mais il faut surtout replacer Simandou dans son ambition globale : un ensemble d’investissements qui, sur quinze ans, devrait mobiliser plus de 200 milliards de dollars. Car au-delà de la mine, c’est tout un écosystème économique, logistique et industriel qui se met en place, un axe ferroviaire traversant le pays, un port en eaux profondes à Morebaya, et un corridor de développement appelé à redessiner la carte économique de la Guinée. Dans cette architecture, les 15 % guinéens ne sont pas une anecdote : ce sont les clés de souveraineté d’un partenariat à long terme.
Ceux qui brandissent le slogan du « bradage » omettent un détail essentiel : la nature même de cette participation. Ces 15 % sont qualifiés de free-carried equity, autrement dit une part acquise sans contribution financière immédiate de l’État. En termes simples, la Guinée bénéficie de 15 % de propriété dans les entités du projet (mines, rail, port) sans avoir à débourser un seul dollar au départ. C’est une position d’intelligence : l’État prend part aux bénéfices futurs, tout en laissant les partenaires assumer les risques colossaux de l’investissement initial. C’est une souveraineté lucide, pas naïve.
Le monde minier fonctionne selon des standards. Nulle part, dans les grands projets de cette nature, les États n’obtiennent 50 ou 60 % de participation sans capital ni expertise industrielle. Les parts publiques tournent entre 10 et 20 %. Avec ses 15 %, la Guinée se situe dans la fourchette haute des pratiques internationales. Ce n’est donc pas une faiblesse, mais un équilibre. Ce 15 % offre une place stratégique dans la gouvernance, un droit de regard sur les décisions, et une part directe dans les dividendes. Réclamer davantage sans capacité technique ni financière reviendrait à acheter un navire sans savoir naviguer, ou pire, à le couler avant même d’avoir quitté le port.
Le vrai défi, lui, commence maintenant. Ce n’est pas le contrat qu’il faut rejouer, c’est la gouvernance qu’il faut maîtriser. Trois milliards de dollars de retombées mal gérées ne valent rien ; trois milliards bien investis peuvent transformer un pays. La souveraineté ne s’improvise pas dans les slogans, elle se construit dans la rigueur, la transparence et la discipline budgétaire. Simandou ne fera pas la Guinée par miracle ; mais bien administré, il peut en être la colonne vertébrale économique pour plusieurs générations.
Ceux qui se moquent du 15 % confondent volume et valeur, apparence et intelligence. Car il vaut mieux posséder une part modeste d’un géant qu’une part majoritaire d’un mirage. Le 15 % de Simandou n’est pas un signe de reddition : c’est la part de la raison, celle qui préfère bâtir plutôt que brasser du vent. Et cette raison, si elle s’accompagne de gouvernance et de vision, finira toujours par faire taire les slogans.
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