Labé le 27 Septembre (Infosbruts.com) – Labé a soif. Et quand l’eau finit par couler du robinet, ce n’est pas une délivrance : c’est une alerte sanitaire. Le liquide censé désaltérer se présente rougeâtre, parfois brun, toujours suspect. Une eau qu’on hésite à confier même au seau destiné à la lessive, tant l’odeur de fer, de terre, et de négligence s’y mêle.
La Société des eaux de Guinée (SEG) a été créée, rappelons-le, pour distribuer de l’eau potable. Presque un quart de siècle plus tard, le slogan implicite semble avoir changé : « Vous paierez, nous rouillerons. » Les factures, elles, arrivent ponctuelles et impeccables, au centime près. Le service, lui, tient plus du pari que de la prestation.
Une mission à l’envers
On s’interroge : comment une société publique, dotée d’ingénieurs, de budgets et d’innombrables réformes annoncées, parvient-elle avec une constance admirable à livrer ce que personne n’a commandé ? Serait-ce un concours de résistance intestinale ? Un test national de tolérance au manganèse ?
Les techniciens invoquent la vétusté des canalisations, la topographie capricieuse, le manque de ressources. Des explications qui datent, comme les tuyaux. Car la SEG est née en Décembre 2001; nous sommes en 2025. Vingt quatre ans de rustines et de promesses n’ont produit qu’une eau couleur thé rouillé, plus proche de la décoction de microbes que de la source de vie.
Santé publique en sursis
Médecins et pharmaciens, eux, n’ont plus le luxe de l’ironie. Les consultations pour diarrhées, dermatoses et gastrites explosent. Les habitants doivent acheter de l’eau minérale ou faire bouillir, filtrer, chlorer, jusqu’à transformer leur cuisine en petit laboratoire.
Le citoyen, payeur captif
Le plus déroutant, c’est la discipline de la population : on paie. Par crainte de coupure, par habitude, peut-être par ce fatalisme qui tient lieu de contrat social. La SEG encaisse. Les robinets crachent leur boue. Et la vie continue, au goût métallique.
Qui rendra des comptes ?
A Labé, les voix s’élèvent, les seaux s’alignent, mais les responsables restent invisibles. Ministère de l’Hydraulique, direction régionale, conseil d’administration : chacun se renvoie le tuyau crevé. La question demeure : à quoi sert une société des eaux dont l’eau est une menace ?
Tant que les autorités n’imposeront ni audit indépendant, ni investissement réel, ni sanctions claires, la SEG restera ce paradoxe ambulant : une entreprise nationale dont le produit finit au caniveau, et dont la clientèle continue, stoïque, à régler la note.
En attendant, Labé boit la couleur du fer. Et le silence des décideurs rouille plus vite encore que leurs canalisations.
Chérif Sampiring Diallo pour InfosBruts.com
« Le récit des faits, l’écho du terrain. »