Guinée, 6 août (Infosbruts.com) – Le 4 août dernier, dans une tribune publiée sur Guineefutur, Siba Béavogui signait un texte au titre évocateur : « Cellou Dalein Diallo et ses éternels opposants : Radiographie d’une trahison bien huilée ! » En filigrane, une thèse limpide : si l’UFDG peine à accéder au pouvoir, ce serait à cause des coups portés par des anciens proches du leader, de Bah Oury à Ousmane Gaoual, en passant par Cellou Baldé, tous accusés de sabotage stratégique.
Mais à lire cette tribune bien écrite, on reste frappé par l’unilatéralité du diagnostic. Car à force de voir dans chaque départ une trahison, l’auteur oublie d’interroger ce qui produit ces ruptures en série. Et si la trahison, plus qu’un mal spontané, était en réalité le symptôme d’un système interne bloqué, incapable de se réformer, et qui rejette tout ce qu’il ne contrôle pas ?
Derrière la « trahison », un modèle politique devenu toxique
Siba Béavogui dépeint l’UFDG comme une citadelle assiégée de l’intérieur, rongée par la duplicité de ses cadres. Ce constat mérite d’être nuancé. Car quand les départs deviennent cycliques, générationnels et structurels, il faut oser déplacer la focale. Ce n’est plus la loyauté des individus qu’il faut questionner, mais le climat organisationnel qui rend impossible leur épanouissement politique.
Bah Oury, Ousmane Gaoual, Cellou Baldé : ces figures ne se sont pas retournées contre leur leader sur un simple coup de tête. Leurs trajectoires révèlent une constance : un système verrouillé, dominé par un chef incontestable, peu enclin à partager la vision, à structurer la relève, ou à accepter la contradiction.
Un leadership sans alternance : la force qui fatigue
Depuis 2007, Cellou Dalein Diallo est à la tête de l’UFDG. Une longévité politique exceptionnelle… mais jamais mise à l’épreuve d’un véritable débat interne. Aucune élection ouverte. Aucun mécanisme de relève pensé. Aucune alternance envisagée. Résultat : un parti figé, organisé autour d’une loyauté verticale, où tout écart est perçu comme une menace.
Dans ce contexte, la « trahison » devient souvent le dernier recours de ceux qui étouffent, et non le fruit d’une duplicité intrinsèque. Quand un leader se pérennise sans renouveler son entourage, il ne construit pas une équipe : il bâtit une cour.
Un discours victimisant qui évite l’introspection
L’un des fils rouges de la tribune de Siba Béavogui est la mise en scène d’un Cellou Dalein perpétuellement victime : trahi, contrecarré, saboté. Mais ce récit victimaire, s’il rassure la base militante, évite soigneusement toute autocritique. Il absout le leadership, exonère la direction, et transforme la défaite en destin imposé par les autres.
Or, la politique ne pardonne ni l’immobilisme, ni l’autosatisfaction. Et un parti d’opposition ne peut pas durablement prétendre incarner le changement s’il refuse de se changer lui-même.
Une stratégie qui peine à fédérer au-delà du Foutah
Siba Béavogui regrette la perte de « liens stratégiques » censés porter Cellou Dalein vers la victoire. Mais il omet de rappeler que l’UFDG, depuis des années, échoue à fédérer une coalition durablement nationale. Malgré ses efforts, son leader reste trop souvent perçu comme régionalement enraciné mais nationalement isolé.
À chaque tournant historique, dialogue, transition, alliance, l’UFDG a échoué à rassembler largement. Et ce n’est pas parce que les autres n’étaient pas prêts. C’est parce que le parti n’a pas su se rendre accueillant, souple, transversal. L’ouverture n’a jamais été un pilier stratégique, mais un exercice rhétorique.
La rupture ne viendra pas des autres
Siba Béavogui écrit : « L’UFDG est son propre ennemi. » Il a raison. Mais il se trompe d’ennemis. Ce ne sont pas les « traîtres » qui minent le parti, c’est l’absence de débat interne, de remise en cause, et de leadership inclusif.
L’alternance tant espérée passera peut-être un jour par l’UFDG. Mais à condition que le parti commence par l’appliquer à lui-même. Car le plus grand acte de trahison, ce n’est pas de quitter Cellou Dalein. C’est de croire qu’il est irremplaçable.
Chérif Sampiring Diallo
Journaliste, Éditorialiste, Analyste politique / infosbruts.com
« Observer, analyser, écrire, et surtout, ne jamais abdiquer face à l’autocensure. »