Guinée, 28 juillet (Infosbruts.com) – Dans une tribune récemment publiée sur Guinee7.com, notre confrère et aîné Ibrahima Sory Traoré ironise sur la publication du projet de nouvelle Constitution au Journal officiel, bien avant sa soumission au vote référendaire. Un procédé qu’il compare à un « diplôme imprimé avant l’examen ». Face à cette sortie, Chérif Sampiring Diallo propose une mise au point, en rappelant que pédagogie juridique et illégalité ne sont pas synonymes, et qu’en matière constitutionnelle, la communication institutionnelle n’est pas une hérésie. Analyse.
Quand l’ironie flirte avec le contre-sens juridique
« En Guinée, même les lois ont du mal à suivre la loi », écrit en introduction Guinee7.com, parlant d’un « exploit inédit » : publier une Constitution avant même qu’elle n’existe juridiquement.
Le ton est mordant, mais le postulat est faux. Un projet de Constitution, même publié dans le Journal officiel, ne devient pas loi. Il ne produit aucun effet juridique contraignant. Il ne s’agit ni d’une promulgation, ni d’une entrée en vigueur.
Dans de nombreux pays en transition (Burkina Faso, Tunisie, Sénégal…), la publication de projets constitutionnels a eu une vocation purement pédagogique. Une façon de rendre le texte accessible aux citoyens avant le vote. Pas une anomalie. Pas une infraction.
Consultations nationales : salive inutile ?
« Une caravane, des micros, beaucoup de salive… Peu de résultats », poursuit le fondateur de Guinee7.com, pour qualifier les efforts du CNT et du gouvernement dans la vulgarisation du projet.
L’affirmation est sévère. Peut-être même injuste. Car, si tout n’a pas été parfait, les consultations menées ont permis de recueillir des propositions citoyennes et de bâtir un texte que certains considèrent comme représentatif. Le relais pris par le gouvernement pour en expliquer le contenu relève de ses missions régaliennes. Il ne suffit pas d’un trait d’humour pour invalider tout un processus.
La métaphore du diplôme mal placée
Comparer la publication d’un projet de Constitution à un diplôme imprimé avant l’examen revient à confondre publication et promulgation. Le Journal officiel peut tout à fait publier des documents à vocation informative : discours officiels, projets de textes, arrêtés non encore applicables. Ce n’est pas une bizarrerie administrative. C’est une pratique tout à fait conforme à la volonté de transparence dans un contexte de réforme.
Soupçons de corruption : une insinuation sans preuve
« Chaque dépense publique pourrait être une opportunité dorée pour l’enrichissement illicite », accuse ensuite notre confrère, en évoquant le coût de la publication.
Le sujet des dépenses publiques mérite vigilance, certes. Mais suggérer une manœuvre frauduleuse sans éléments tangibles revient à semer le doute pour le principe. Il serait plus pertinent de demander un audit, ou de plaider pour plus de transparence dans les appels d’offres, plutôt que d’alimenter les rumeurs.
« Illégalité pédagogique » : un oxymore sans fondement
Qualifier la publication d’un projet de Constitution d’« illégalité pédagogique » revient à créer une contradiction là où il n’y en a pas. Rendre un texte accessible avant qu’il ne soit soumis à référendum, c’est encourager la participation citoyenne. Cela s’est fait ailleurs, sans que cela n’émeuve la doctrine juridique. Il ne s’agit pas d’un dérapage, mais d’une stratégie de sensibilisation.
Confusion des séquences : aucun renversement juridique
La tribune évoque une inversion du processus : « Référendum – Promulgation – Publication » devenant « Publication – Référendum ». Là encore, confusion. La publication ici n’est ni promulguée, ni normative. C’est un projet, pas une loi. Le calendrier juridique reste intact : si le référendum l’approuve, le texte sera alors promulgué, puis publié à titre légal. En attendant, cette publication n’a qu’un but : informer.
L’humour en trop ?
« La brouette, le cercueil du bon sens juridique… Le ridicule déjà applicable partout », conclut notre confrère dans un final qui sonne davantage comme un trait de plume que comme une démonstration.
Le débat constitutionnel mérite mieux. Oui, la vigilance est nécessaire. Oui, les institutions doivent rendre compte. Mais toute transition comporte ses fragilités. Faire le procès permanent de chaque étape, sans poser d’alternative crédible, c’est risquer de saboter l’essentiel : le dialogue démocratique.
En conclusion
Cher aîné, votre tribune soulève des préoccupations légitimes sur les procédures et la transparence. Mais les analogies que vous mobilisez — bien que brillantes — reposent souvent sur des erreurs d’analyse juridique.
La publication d’un projet de Constitution, à titre informatif, n’est ni un scandale, ni un précédent. Elle est, au contraire, un pas vers une meilleure appropriation du texte par les citoyens.
Un débat sérieux mérite des fondations solides : du droit, des faits, pas seulement des formules.
Chérif Sampiring Diallo pour Infosbruts.com
Le récit des faits, l’écho du terrain
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