Labé, 12 Oct (Infosbruts.com) – Symbole de lumière et de modernité pour tout le Fouta, la ville de Labé a connu une longue et passionnante évolution dans son processus d’électrification. Des premières initiatives privées d’un entrepreneur français à l’interconnexion régionale via l’OMVG, retour sur une histoire méconnue mais essentielle au développement local.
Des débuts artisanaux sous l’impulsion d’un entrepreneur visionnaire
Peu après la Seconde Guerre mondiale, Labé a vu naître ses premières lumières électriques grâce à Louis Eugène Krieger, entrepreneur français installé dans la région durant le conflit. Ce dernier exploitait une carrière d’ardoise à Tyalakoun, sur la route de Tougué — la seule de son genre en Afrique occidentale à l’époque. L’ardoise extraite servit notamment à la couverture de bâtiments emblématiques tels que la Préfecture et la Poste de Labé.
Curieux et entreprenant, Krieger s’intéressa rapidement à la production d’énergie. Il installa un moteur fonctionnant au charbon pour alimenter quelques concessions, notamment celles des Européens, des Libano-Syriens et de quelques notables locaux. La petite centrale, située près de la Sassé, non loin de l’actuel groupe scolaire Bhoundou Gandal, a disparu depuis, mais elle marque le point de départ de l’électrification de la ville.
L’arrivée de l’État et la structuration du réseau électrique
Au tournant des années 1950, dans le cadre de la mise en valeur des territoires d’outre-mer, les autorités coloniales décidèrent d’électrifier les grandes localités de Guinée française. C’est dans ce contexte que la Société Énergie Électrique de Guinée (EEG) fut chargée de la production et de la commercialisation de l’électricité dans le pays.
En 1952, Lucien Richard — ingénieur français né le 8 juin 1922 — fut envoyé en Guinée pour coordonner le rachat et la standardisation des groupes électrogènes à Mamou, Dalaba, Pita et Labé. Arrivé à Labé en 1956, il installa une centrale diesel dans le bâtiment aujourd’hui occupé par la Direction régionale de l’EDG.
Durant son séjour (1956-1960), Richard supervisa la construction du barrage et de la microcentrale de Sounsouré sur la rivière Donghora, d’une puissance de 150 kW. Cette infrastructure alimenta Labé jusqu’en 1966, avant d’être remplacée par la centrale hydroélectrique de Kinkon dans la préfecture de Pita, construite avec l’appui de la coopération chinoise.
Kinkon, puis Garafiri : l’expansion régionale de l’énergie
La mise en service de la centrale de Kinkon permit d’alimenter plusieurs villes du Fouta, notamment Mamou, Dalaba, Pita et Labé, puis d’autres localités comme Tolo, Boulliwel, Baring et Timbo-Madina. Cependant, cette centrale hydroélectrique saisonnière ne put répondre durablement à la forte croissance démographique et à la demande accrue en électricité.
En 2000, le réseau de Kinkon fut relié à celui de Conakry, grâce à la centrale hydroélectrique de Garafiri sur le fleuve Konkouré. Ce raccordement permit une nette amélioration de la fourniture électrique, bien que la ligne haute tension Mamou–Labé, conçue initialement pour évacuer l’énergie de Kinkon, restait limitée en capacité.
L’ère moderne : l’interconnexion et la lumière continue
Pour résoudre ces insuffisances, le gouvernement guinéen, avec le soutien de l’Organisation pour la Mise en Valeur du Fleuve Gambie (OMVG), a engagé la construction d’une nouvelle ligne haute tension interconnectée aux centrales de Kaléta et Souapiti.
C’est finalement le 27 septembre 2023 qu’un tournant historique a été franchi : l’inauguration du poste électrique 225/30 kV 2×40 MVA à Garambé, dans la préfecture de Labé, a marqué la fin d’une ère de coupures incessantes. La ville dispose désormais d’une alimentation continue et stable, symbole d’un progrès attendu depuis plus de soixante-dix ans.
De la lampe au charbon à l’interconnexion régionale, l’histoire de l’électrification de Labé illustre la persévérance d’une région tournée vers la lumière et le développement.
Source: Doyen Lamine Bah, commissaire de police à la retraite à Labé













