Guinée, 16 août (Infosbruts.com) – Il y a des nations qui traversent l’histoire en spectatrices, et d’autres qui la forgent par leurs choix. Depuis son « Non » fondateur de 1958, la Guinée a prouvé qu’elle appartient à la seconde catégorie. Ce refus, qui bouleversa l’ordre colonial, fit de Conakry plus qu’une capitale nationale : elle devint la capitale des imaginaires africains, le symbole vivant d’un continent qui ose choisir sa dignité.
Aujourd’hui, l’histoire frappe à nouveau. La Guinée s’engage dans un processus de refondation qui ne se réduit pas à une transition administrative. Il s’agit d’une seconde indépendance, d’une reconstruction profonde destinée à donner au pays des institutions solides, une gouvernance stable et une souveraineté durable. Mais cette refondation ne concerne pas que les Guinéens : elle a une portée géopolitique mondiale.
La Guinée, en effet, est au carrefour de plusieurs enjeux planétaires. Avec ses immenses réserves de bauxite, elle détient une clé de l’économie mondiale : sans aluminium guinéen, pas d’Airbus, pas de Tesla, pas d’Apple. Cette ressource stratégique place le pays au cœur d’une compétition féroce entre puissances : la Chine y investit massivement pour sécuriser son industrie ; la Russie, par ses partenariats énergétiques, cherche à s’y ancrer ; les États-Unis, soucieux de diversifier leurs approvisionnements, observent avec attention ; l’Union européenne, dépendante pour ses industries, tente d’influencer par la diplomatie et l’aide ; la Turquie et les pays du Golfe, enfin, y voient un terrain de projection économique et d’influence culturelle.
À cela s’ajoute la façade atlantique guinéenne, parmi les plus stratégiques d’Afrique de l’Ouest, ouverte sur les grandes routes commerciales et au centre des enjeux sécuritaires maritimes. Dans un monde où les routes de l’énergie et des minerais dessinent les cartes du pouvoir, la Guinée n’est pas une périphérie : elle est un nœud stratégique.
Voilà pourquoi la refondation dérange. Elle inquiète ceux qui, à l’intérieur comme à l’extérieur, ont intérêt à une Guinée faible, éclatée, instrumentalisable. Elle bouscule des habitudes, rompt des dépendances, ferme la porte aux manipulations. Mais c’est précisément là que réside sa force : en se réorganisant, la Guinée n’assure pas seulement son avenir national, elle affirme sa capacité à peser dans le jeu mondial.
Comme en 1958, l’incompréhension précède la reconnaissance. Mais l’histoire est implacable : chaque fois que la Guinée assume son destin, elle finit par ouvrir un chemin que d’autres suivront. La refondation actuelle s’inscrit dans cette continuité : non pas une transition ordinaire, mais une mutation historique qui repositionne la Guinée comme puissance africaine et partenaire stratégique incontournable.
Les Guinéens doivent donc comprendre la portée de leur mission. Il ne s’agit pas seulement de réparer l’État : il s’agit de prouver, une fois encore, que ce pays est capable de surprendre le monde, de rompre avec les dépendances, et de tracer sa propre voie. Si nous réussissons, Conakry restera ce qu’elle fut hier : la capitale invisible des imaginaires africains. Mais elle deviendra aussi, aux yeux des grandes puissances, un pivot géopolitique du monde en recomposition.
Chérif Sampiring Diallo Éditorialiste InfosBruts.com
« Une plume au service de la Guinée «













