Guinée, 22 août (Infosbruts.com) – Dans une tribune publiée hors du circuit naturel du débat citoyen, l’ancien ministre Amadou Thierno Diallo critique le projet de nouvelle Constitution guinéenne, accusant le texte de vider la souveraineté populaire de sa substance. Dans cette réplique ferme et argumentée, Chérif Sampiring Diallo, éditorialiste à InfosBruts.com, démonte ce qu’il considère comme un juridisme sélectif et une lecture approximative des enjeux constitutionnels. Il défend une vision claire : un peuple qui arbitre, des institutions qui rendent compte.

Monsieur le Ministre,
J’ai parcouru avec curiosité votre longue homélie publiée, non pas dans InfosBruts.com, lieu naturel du débat, mais dans Réveil Africain. Un détour qui en dit long : éviter la contradiction directe pour choisir une tribune parallèle. Soit. Mais puisque vous m’interpellez, je vous réponds.
Contexte guinéen
Vous ressortez l’argument, désormais classique, de la « confiscation » de la souveraineté. Comme si refuser une initiative populaire directe revenait à reproduire nos vieux démons. Permettez une précision : confondre la souveraineté du peuple avec un simple mécanisme procédural, c’est réduire une notion fondamentale à un gadget institutionnel. La vraie rupture, c’est qu’aucune modification constitutionnelle ne pourra désormais s’imposer sans le référendum. Pour la première fois, les vieilles manœuvres d’élite sont neutralisées. Voilà la différence.
Comparaisons approximatives
Vous invoquez les États-Unis et l’Europe pour défendre votre cause. Sauf que, détail qui a son importance, aucun citoyen américain n’a jamais pu initier une révision de la Constitution. Pas un seul. L’initiative appartient au Congrès et aux États fédérés. Même chose en Europe : ni la France, ni l’Allemagne, ni le Royaume-Uni ne donnent ce droit. Alors pourquoi exiger de Conakry ce que Washington, Berlin ou Paris n’appliquent pas chez eux ? Voilà ce que j’appelle du juridisme sélectif.
Stabilité, ce mot honni
Vous accusez ceux qui parlent de stabilité d’en faire un « prétexte ». Mais la stabilité, Monsieur le Ministre, n’est pas un gros mot. Elle est la condition sine qua non de tout progrès. Regardez l’Amérique latine : des Constitutions amendées à répétition, des régimes qui tanguent, des économies essoufflées. La Guinée a-t-elle besoin d’une Constitution transformée en terrain de jeux des humeurs du moment ? Non. Elle a besoin d’une ossature robuste, pas d’un texte jetable.
Nature de la souveraineté
Vous m’attribuez une « vision minimaliste » de la souveraineté, réduite au vote. Faux. J’ai écrit qu’elle s’exprime à deux niveaux : indirectement par les institutions élues, directement par le référendum. En refusant cette articulation, vous opposez artificiellement peuple et institutions. Or, l’enjeu, justement, est de les réconcilier.
Confiance et contrat social
Vous présentez l’initiative populaire comme le remède miracle à la crise de confiance. Illusion dangereuse. La confiance ne naîtra pas d’un registre de signatures, mais de la justice qui fonctionne, des écoles construites, des hôpitaux ouverts, des routes bitumées. Une Constitution n’est pas un cahier de doléances ni une boîte à illusions. C’est un cadre. A chacun ensuite de l’honorer.
Conclusion
Vous plaidez pour un droit d’initiative « symbolique ». Mais en matière constitutionnelle, le symbolisme mal maîtrisé se paie au prix fort : manipulation, récupération, instabilité. Le projet actuel, lui, a le mérite d’être clair : le peuple souverain arbitre en dernier ressort, les institutions rendent compte devant lui. Voilà ce que j’appelle une souveraineté réelle.
Critiquer, oui. Déformer, non. Affirmer que ce projet « nie » la souveraineté populaire, c’est caricaturer la réalité. Pour la première fois dans notre histoire, le peuple guinéen ne sera pas un figurant, mais le juge ultime. Et ça, Monsieur le Ministre, ni vos formules, ni vos sophismes ne pourront l’occulter.
Chérif Sampiring Diallo Éditorialiste InfosBruts.com
« Une plume au service de la Guinée «













