Guinée, 15 août (Infosbruts.com) – Il y a des images qui marquent l’histoire, et d’autres qui révèlent, en creux, la vérité d’une époque. Le face-à-face du 15 août 2025 entre Donald Trump et Vladimir Poutine à Anchorage, en Alaska, appartient aux deux catégories. Officiellement, il s’agissait d’arracher un cessez-le-feu en Ukraine, officieusement, c’était une démonstration de puissance, un rappel que les lignes de fracture planétaires se tracent dans des salons feutrés, loin des champs de bataille et souvent loin des peuples directement concernés.
Ce sommet est une première sur le sol américain depuis 1988, un symbole que l’histoire retiendra. Mais derrière le protocole, la réalité est plus rugueuse : le président américain n’a pas jugé nécessaire d’inviter le président ukrainien Zelenskyy à la table, un geste qui choque Kiev et inquiète ses alliés européens, mais qui traduit surtout une vérité dérangeante, lorsque les grands décident, les petits subissent.
Poutine, fidèle à son art, a joué l’ouverture calculée, saluant les « efforts sincères » des États-Unis pour mettre fin au conflit, tout en laissant planer la perspective d’un accord sur les armes nucléaires. Trump, de son côté, a martelé vouloir « un cessez-le-feu aujourd’hui », avec l’assurance de celui qui sait que, dans ce bras de fer, le temps est un levier. Ce sommet fut moins un espace de négociation qu’une scène de théâtre géopolitique, où chacun a joué pour son public national et ses ambitions stratégiques.
Vu depuis Conakry, cette image interpelle. Si l’Ukraine et la Russie sont à des milliers de kilomètres, les secousses de leur guerre nous parviennent, flambée des prix, dépendance énergétique accrue, fragilité de nos économies face aux chocs extérieurs. L’Afrique, et singulièrement la Guinée, demeure spectatrice d’un duel où elle ne pèse pas, mais dont elle paie indirectement la facture.
Ce sommet rappelle une leçon essentielle : le monde ne se dirige pas par morale, mais par intérêts. Les États-Unis et la Russie parlent ici de paix comme d’une monnaie d’échange, l’Ukraine y défend sa survie, l’Europe ses frontières, et l’Afrique son silence. Pourtant, l’histoire enseigne que ceux qui restent muets lorsque les cartes se redistribuent finissent par jouer avec des mains que d’autres ont composées.
Anchorage n’a pas seulement été le théâtre de deux hommes puissants discutant de la guerre, c’était la mise en scène d’un monde multipolaire en gestation, un monde où l’Afrique doit apprendre à parler fort sous peine de rester éternellement reléguée au rang d’auditrice passive.
La question essentielle n’est pas de savoir si Trump et Poutine parviendront à un cessez-le-feu, mais de déterminer quand et comment l’Afrique, la Guinée incluse, imposera sa voix à la table des négociations mondiales. Tant que nous ne serons pas présents là où se prennent les décisions, nous continuerons de subir les conséquences de guerres que nous n’avons pas choisies.
Par Chérif Sampiring Diallo, journaliste, éditorialiste, écrivain