Guinée, 13 août (Infosbruts.com) – Les réseaux sociaux ont indéniablement démocratisé la parole. Mais cette démocratisation, loin d’élever le débat public, a trop souvent conduit à l’industrialisation de l’ignorance. Dans cet écosystème dérégulé, l’expertise ne se démontre plus : elle s’autoproclame. Il suffit d’un smartphone, d’une connexion et d’un public, souvent acquis par le sensationnel, pour se déclarer « influenceur », « communicant politique » ou « analyste stratégique”. La compétence ? Optionnelle. L’audience ? Impérative.
La tyrannie du vacarme
Résultat : une armée de tonneaux vides, bruyants par nature, saturent l’espace public de certitudes creuses. Certains confondent un décret avec une ordonnance mais se posent en :constitutionnalistes éclairés ». D’autres façonnent des vérités sur mesure pour servir la cause de leur parti, convaincus qu’un slogan populiste équivaut à un programme politique.
L’objectif n’est pas d’informer, mais d’exister, et si possible, de dominer la scène numérique par l’outrance. Les invectives remplacent les arguments, les injures supplantent la contradiction, et la vulgarité devient un style assumé, applaudi par les applaudisseurs numériques.
L’algorithme comme moteur de dépravation
Les plateformes ne récompensent ni la rigueur, ni la nuance ; elles privilégient l’émotion brute, le choc, la polarisation. Plus un contenu est outrancier, caricatural ou conflictuel, plus il est propulsé dans les fils d’actualité.
Ainsi, une rumeur se mue en preuve, une vidéo floue devient un document officiel, et une capture d’écran non vérifiée s’érige en argument irréfutable.
Le phénomène ne s’arrête pas à la politique : la dépravation des mœurs s’exhibe et s’auto-entretient à travers des vidéos TikTok ou des reels Facebook où la mise en scène de comportements vulgaires, voire dégradants, est récompensée par des millions de vues.
Une menace silencieuse pour la démocratie
Ce brouhaha numérique ne relève pas seulement de la décadence culturelle : il constitue un risque politique majeur. Un électorat nourri de demi-vérités vote sur des illusions. Et un peuple qui vote sur des illusions confie son avenir aux démagogues. Les régimes populistes prospèrent sur ce terrain fertile en fake news et aride en pensée critique.
À terme, la cacophonie orchestrée par les ignorants, dopée par les algorithmes, affaiblit le discernement collectif et prépare le terrain aux autoritarismes.
Réhabiliter la rigueur intellectuelle
La liberté d’expression n’est pas la liberté de tout inventer. On peut ne pas détenir de diplôme et être pertinent ; mais on ne peut pas ignorer et vouloir guider. Il est urgent de réapprendre trois règles simples, mais fondamentales :
- Vérifier avant de publier
- Comprendre avant de juger
- Admettre ce que l’on ignore
Les réseaux sociaux auraient pu devenir la grande bibliothèque du XXIᵉ siècle. Ils sont trop souvent réduits à un marché de cris, où l’on sort plus confus qu’en entrant. Si nous n’imposons pas un minimum de discipline intellectuelle, le débat public se transformera définitivement en un concours de vacarme, et dans ce concours, la vérité perd toujours.
Chérif Sampiring Diallo Éditorialiste InfosBruts.com
« Une plume au service de la Guinée ».













