Guinée, 7 août (Infosbruts.com) – La récente sortie d’Abdoul Lah Sacko, saluant publiquement le combat politique de Souleymane Souza Konaté de l’UFDG, soulève une fois de plus la question de la confusion des rôles entre société civile et sphère politique en Guinée. Si l’initiative peut sembler fraternelle ou morale, elle n’est pas sans conséquences sur la crédibilité de la posture d’indépendance que doit incarner un acteur de la société civile.

Souleymane Souza Konaté, UFDG
En se positionnant clairement en soutien à un militant d’un parti d’opposition bien identifié, Sacko brouille la ligne entre engagement citoyen et militantisme politique. Or, la force de la société civile réside précisément dans sa capacité à tenir une position critique équidistante du pouvoir et de l’opposition, pour préserver sa neutralité et sa légitimité aux yeux de tous les camps.
L’opposant par procuration : une étiquette justifiée ?
Depuis plusieurs années, Abdoul Lah Sacko est perçu dans les cercles proches du pouvoir comme un opposant déguisé en acteur citoyen. Ses positions tranchées, ses critiques régulières de l’exécutif et sa proximité avec certains leaders de l’opposition lui ont valu cette réputation d’opposant par procuration. En adressant une lettre de soutien aussi élogieuse à un cadre de l’UFDG — parti d’opposition historique — il renforce cette perception, volontairement ou non.

Même s’il prend soin de préciser qu’il ne s’agit pas d’un soutien politique au sens partisan, son message valorise une démarche politique identifiable, et adresse un signal fort dans le débat public, au risque de compromettre sa neutralité.
Une instrumentalisation réciproque ?
Ce type de proximité entre militants de la société civile et figures de l’opposition peut aussi prêter le flanc à des soupçons d’instrumentalisation réciproque. Le militant politique y gagne un appui moral et un capital de crédibilité « neutre », tandis que l’activiste consolide une posture héroïque dans un camp perçu comme celui des « opprimés ».
Mais cette dynamique nuit à long terme à l’intégrité des deux espaces : la société civile perd son autonomie, et l’opposition se prive de sa propre structuration indépendante, en misant sur des figures non partisanes pour porter son discours.
Une culture démocratique en danger
Enfin, cette porosité nuit à la maturation de la culture démocratique en Guinée. Elle entretient une confusion entre critique citoyenne et opposition politique, et affaiblit la capacité des citoyens à faire la différence entre : le contre-pouvoir moral et institutionnel (société civile), et le contre-pouvoir politique et programmatique (opposition).

À terme, cette confusion contribue à délégitimer les deux rôles, en rendant suspects les activistes et opportunistes les opposants.
Le respect des rôles est une condition essentielle de l’équilibre démocratique. Abdoul Lah Sacko, en tant qu’acteur respecté de la société civile, devrait pouvoir exprimer des opinions sans franchir la ligne de l’alignement partisan. À trop brouiller les cartes, même avec de bonnes intentions, il risque de miner sa propre autorité morale et d’alimenter les discours de ceux qui l’accusent déjà d’être une voix masquée de l’opposition.
Par Idrissa Sampiring Diallo pour Infosbruts.com – La voix de ceux qui bâtissent dans la vérité et la rigueur