Guinée, 6 août (Infosbruts.com) – À la lecture de la tribune virulente visant M. Boubacar Yacine Diallo, président de la Haute Autorité de la Communication (HAC), on pourrait croire que la liberté d’expression en Guinée n’a d’autre obstacle que ce nom. Une vision réductrice, simpliste, et surtout contre-productive pour un débat public que la presse guinéenne mérite plus serein, plus lucide, et moins personnel.

Le Président de la HAC, Boubacar Yacine Diallo est un acteur majeur de l’histoire médiatique guinéenne
Il est parfaitement légitime de critiquer la HAC, ses décisions, son mode de fonctionnement, ou encore la posture de ses dirigeants. Mais ce droit critique ne doit pas se transformer en une entreprise de démolition ad hominem. Une presse libre, dans sa quête de crédibilité, ne gagne rien à emprunter les méthodes qu’elle reproche au pouvoir : amalgames, outrances, attaques personnelles et réécriture subjective de l’histoire.
Une institution imparfaite, mais indispensable
Qualifier la HAC de « zombie institutionnel » relève d’un excès de langage. Loin d’être parfaite, cette institution joue pourtant un rôle essentiel dans l’encadrement de l’espace médiatique guinéen, traversé par le sensationnalisme, les fake news, les dérives populistes et la politisation rampante. Sans régulation, il n’y a pas d’équilibre, ni de responsabilité dans la parole publique.
Rappeler que des journalistes ont plaidé pour le maintien de la HAC après le 5 septembre 2021 est juste. Mais cela ne remet nullement en cause sa légitimité juridique, fondée sur des textes votés par les représentants du peuple. La réformer ? Oui. La démanteler ? Non.
Critique des hommes, oui. Caricature, non
Boubacar Yacine Diallo n’est ni un prophète intouchable ni un tyran à abattre. C’est un acteur de l’histoire médiatique guinéenne, avec ses forces et ses failles. Dépeindre son parcours uniquement à travers le prisme des frustrations, des ambitions contrariées ou des « contradictions », c’est réduire un itinéraire riche à une simple rancune biographique.
Comme d’autres, il a servi plusieurs régimes. Est-ce condamnable ? L’engagement dans les institutions publiques n’est pas en soi une trahison. Il serait plus honnête de débattre de ses actes actuels à la tête de la HAC, plutôt que de remonter à ses postes sous le PDG-RDA ou le régime de feu Lansana Conté pour y chercher des procès d’intention.
Les jeunes de la HAC : juger avec lucidité, pas avec mépris
Les critiques envers certains jeunes membres de la HAC sont aussi brutales que déconcertantes. Plutôt que de leur opposer un jugement définitif et condescendant, mieux vaudrait analyser les conditions de leur engagement : marges d’autonomie réelles, pression politique, culture institutionnelle. Les accabler, c’est faire l’impasse sur toute possibilité de renouvellement. Or, la réforme de la régulation passera forcément par eux, ou par ceux qui leur succéderont.
La régulation n’est pas synonyme de censure
Oui, la presse guinéenne doit se moderniser, s’ouvrir à l’innovation, se libérer des carcans obsolètes. Mais cela ne se fera pas dans le chaos ou l’absence de règles. Le journalisme n’est pas qu’un cri de liberté : c’est aussi une discipline. Il repose sur la rigueur, la vérification, le contradictoire, l’éthique, et la responsabilité.
Encadrer, ce n’est pas réprimer. Et réguler, ce n’est pas museler. Encore faut-il que la régulation soit équitable, indépendante et légitime – ce qui suppose une vigilance citoyenne et journalistique permanente, mais non vengeresse.
La presse doit s’émanciper, mais sans haine
La tribune contre Boubacar Yacine Diallo pèche par excès de passion, de subjectivité et de mépris. Elle propose un portrait à charge, sans nuance ni remise en question des propres travers du système médiatique. Or, une presse responsable commence par s’interroger elle-même, tout en exigeant des institutions publiques qu’elles se montrent exemplaires.
La liberté d’expression ne peut être unilatérale. Et la régulation ne peut être confondue avec l’oppression. Critiquons la HAC. Réclamons sa réforme. Mais refusons de substituer à la parole libre une parole blessante et vindicative. Même si on est en exil…
Par Idrissa Sampiring Diallo pour Infosbruts.com