Guinée, 2 août (Infosbruts.com) – Alors que beaucoup accusent le CNRD de gouverner dans le mutisme, une autre lecture s’impose : et si ce silence n’était pas un vide, mais une méthode ? Dans une époque où l’on gouverne à coup de slogans, le choix du silence pourrait bien être la forme la plus radicale de rupture politique. Une analyse à contre-courant.
Alors que le débat public bruisse de critiques sur le « mutisme » présumé du Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD), une question, rarement posée, mérite pourtant d’être formulée : et si le silence apparent de la junte n’était pas un signe de faiblesse, mais un choix stratégique assumé ?
Dans une époque dominée par le bruit médiatique, où chaque gouvernant rivalise de déclarations tonitruantes, d’annonces prématurées et de gesticulations spectaculaires, le CNRD semble avoir opté pour une gouvernance à contre-courant : discrète, laborieuse, peu bavarde, mais résolument tournée vers l’essentiel.
Une rupture méthodique avec l’ère du vacarme
L’histoire récente de la Guinée est jalonnée de régimes qui ont beaucoup promis mais peu tenu. D’autres ont préféré multiplier les apparitions publiques et les discours flatteurs, sans jamais poser les fondations d’un véritable État moderne. Le CNRD, dirigé par le Général Mamadi Doumbouya, semble avoir fait le choix inverse : gouverner par l’action plutôt que par la parole, reconstruire le socle de l’État plutôt que d’en enjoliver les façades.
Il ne s’agit pas là d’un manque d’intérêt pour la communication, mais d’un refus assumé du populisme verbal. En misant sur la sobriété de ton, le régime de transition envoie un message clair : la refondation ne se décrète pas en direct sur Facebook Live, elle se construit dans la rigueur, loin des projecteurs.
Une communication de fond plutôt que de forme
Certes, le CNRD ne s’adresse pas fréquemment à la presse. Certes, les grandes envolées lyriques sont rares. Mais le silence n’est pas l’inaction. Sur le terrain, les chantiers avancent. Des routes sont rouvertes à l’intérieur du pays, comme les axes de desserte entre les centres de production agricole et les marchés urbains ; des bâtiments administratifs sont reconstruits dans les préfectures ; l’armée est en voie de moralisation, et la diplomatie guinéenne se réinsère, discrètement mais efficacement, dans les cercles de coopération régionale.
Une posture régionale volontairement sobre
Contrairement à l’idée reçue d’un pouvoir replié sur lui-même, le CNRD maintient, voire renforce, ses leviers d’influence dans la sous-région. Dans un contexte où plusieurs pays voisins ont également connu des transitions politiques non issues des urnes: Mali, Burkina Faso, Niger, la Guinée se distingue par une posture de retenue, mais de constance.
Elle n’a pas claqué la porte de la CEDEAO, mais refuse la soumission aux diktats extérieurs. Elle n’a pas versé dans la rhétorique antifrançaise tapageuse, mais redéfinit ses partenariats sur la base du respect mutuel. Cette diplomatie feutrée, sans provocation, mais ferme, contribue à stabiliser une image républicaine de la transition guinéenne dans un environnement sous-régional en pleine recomposition.
Loin des standards populistes
Dans un environnement politique où l’on confond trop souvent leadership avec logorrhée, le CNRD tranche. Et cela dérange. L’absence de bruit est devenue suspecte. Mais ce soupçon ne traduit-il pas, au fond, l’inconfort d’une classe politique habituée à faire carrière dans la parole, soudain confrontée à un pouvoir qui, lui, parle peu mais agit concrètement ?
Le refus du sensationnel, la discipline de l’institution militaire, le rejet du clientélisme médiatique sont autant de marqueurs d’une gouvernance nouvelle. Une gouvernance qui, certes, manque encore parfois de pédagogie ou de lisibilité pour le grand public, mais qui refuse de se dissoudre dans le théâtre politicien.
Une pédagogie de la patience
L’heure n’est pas encore au bilan définitif, mais une chose est claire : le CNRD semble avoir choisi le temps long, celui de la reconstruction des institutions et de la souveraineté républicaine, et non le temps court du tapage politique.
C’est un pari risqué, car impopulaire à court terme. Mais c’est peut-être ce pari-là, discret mais ferme, qui sauvera la Guinée des cycles sans fin de démagogie, de désillusion et de régression.
Et lorsque les générations futures reliront ce moment particulier de notre histoire, elles comprendront peut-être ce que nous avons trop souvent oublié : que le vrai courage politique n’est pas toujours bruyant.
Dans un pays longtemps gouverné par le vacarme, le silence du CNRD pourrait bien être le premier signe audible d’une maturité nouvelle.
Chérif Sampiring Diallo infosbruts.com
Là où le bruit s’arrête et l’analyse commence.
