Labé, 30 mai (IBC) – Cinquante ans après sa création, la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) est loin de faire l’unanimité auprès des populations ouest-africaines. À Labé, de nombreux commerçants et transporteurs expriment une déception profonde face à ce qu’ils perçoivent comme un échec de l’organisation sous-régionale à tenir ses promesses d’intégration et de libre circulation.

Thierno Mamadou Kaba Koïn Barry, commerçant
Thierno Mamadou Kaba Koïn Barry, un commerçant aguerri ayant exercé dans plusieurs pays de la sous-région, déplore un déficit d’intégration palpable : « on vit constamment des situations qui nous rappellent que nous ne sommes pas chez nous. La réalité sur le terrain contredit les discours officiels. »

Hadja Mariama Kolon Diallo, Exportatrice et Importatrice entre la Guinée et le Sénégal
Même son de cloche du côté de Hadja Mariama Kolon Diallo, exportatrice et importatrice de produits agricoles entre la Guinée et le Sénégal, qui évoque les obstacles administratifs et financiers persistants malgré les engagements de la CEDEAO : « les cartes d’identité nationales ne sont pas acceptées comme prévu dans les textes. À la frontière, même avec une carte biométrique, on nous exige 1.000 FCFA. Et pour un fût d’huile de palme, on paie jusqu’à 10.000 FCFA en dédouanement. Cela fausse totalement nos prix de vente. »

L’opérateur économique Elhadj Mamadou Sarifou Séngouma Diallo souligne quant à lui l’absence de solidarité entre États membres, notamment entre pays francophones : « sur les axes comme celui de la Gambie, nous sommes souvent obligés d’acheter des documents pour circuler. Il aurait été préférable que la CEDEAO évolue vers une vraie union, à l’image des États-Unis d’Afrique de l’Ouest. »

Modi Iliassa Hériba Diallo, commerçant entre Labé et Diawbhé (Sénégal)
Pour Modi Iliassa Hériba Diallo, commerçant sur l’axe Diawbhé (Sénégal) – Labé, les échanges économiques entre les pays de la sous-région se font malgré la CEDEAO, et non grâce à elle : « ce sont les commerçants qui entretiennent les liens, pas l’organisation. Acheter des basins au Mali pour les revendre en Guinée, c’est du pur commerce, pas une réussite de la CEDEAO. »

Elhadj Ibrahima Touré, opérateur économique à Labé
Elhadj Ibrahima Touré, un autre acteur du secteur, partage une expérience amère concernant le manque de protection juridique transfrontalière : « lorsqu’un litige commercial survient avec un partenaire au Sénégal, notamment à Touba ou Diawbhé, il est très difficile d’obtenir justice. Cela montre que l’intégration judiciaire reste une illusion. »

Ismaël Souleymane, ressortissant du Niger et marchand ambulant dans la région de Labé
Ces témoignages, qui dressent un tableau sombre de la CEDEAO, interviennent à un moment critique pour l’organisation, déjà fragilisée par les retraits du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Des fissures internes qui interrogent encore davantage sur l’avenir et la pertinence du projet d’intégration sous-régionale tel qu’imaginé en 1975.
Idrissa Sampiring Diallo, pour Infosbruts.com