Guinée, 7 Oct (Infosbruts.com) – Il arrive un moment dans l’histoire politique où la morale, la mémoire et la cohérence s’effondrent sous le poids de l’opportunisme. Ce moment, la Guinée le vit à nouveau. Lorsque l’on se proclame élu suprême, « ultime recours », intouchable, au-dessus de toute critique, on s’autorise tout : pactiser avec l’ancien ennemi, justifier l’injustifiable, effacer le sang et la douleur derrière un sourire diplomatique.

Cellou Dalein Diallo, dans un accès de désinvolture historique, a récemment parlé de « son grand frère Alpha », confessant sans gêne qu’ils se parlent « régulièrement » et qu’il « assume ». Assumer quoi ? L’oubli ? Le cynisme ? Ou la réconciliation sélective, celle qui se fait sans la société, sans les morts, sans les cœurs brisés par une décennie d’affrontements politiques et ethniques ?
Car il ne faut pas travestir les faits : leurs luttes fratricides ont endeuillé des familles, fracturé des communautés, détruit le tissu social déjà fragile d’un pays sans cicatrices refermées. Leurs rivalités ont alimenté les haines identitaires et légitimé la violence comme argument politique.
Et aujourd’hui, voici l’élu, le « petit dieu » de ses fidèles, tendant la main à celui qu’hier il présentait comme le démon incarné. Ce même Alpha Condé que son parti vouait aux gémonies, que ses militants accusaient de tous les maux. Et dans cette volte-face, l’UFDG découvre la plasticité morale : ce qui était trahison devient sagesse, ce qui était compromission devient maturité.
Mais que devient la vérité dans cette gymnastique ? Sociologiquement, nous observons la dérive du charisme vers le culte. La figure du chef, sacralisée, se détache du réel et s’élève au-dessus des principes. Le rapport politique se mue en rapport mystique : croire, obéir, ne jamais douter. La critique devient blasphème. C’est le syndrome de la divinisation du leader, phénomène bien connu des sociétés en crise, où le besoin de salut collectif se projette sur un individu censé incarner la pureté perdue.
Philosophiquement, cette alliance contre-nature illustre la faillite de l’éthique politique. La vertu n’y est plus une exigence, mais une posture réversible. La vérité devient variable, dépendante des intérêts du moment. Et théologiquement, c’est une profanation du sens du pardon. Car pardonner n’est pas effacer la faute : c’est la nommer, la reconnaître, puis la dépasser dans la justice et la vérité. Ce qui se joue ici n’est pas le pardon, mais l’oubli. Or, l’oubli est le tombeau de la conscience.
Il ne s’agit pas de refuser toute réconciliation. Il s’agit de refuser la comédie de la réconciliation, celle qui ne répare rien mais maquille tout. L’histoire politique de la Guinée n’a pas besoin de nouveaux pactes d’hypocrisie ; elle a besoin de vérité, de mémoire et de responsabilité.
Car lorsque les hommes qui se prétendent justes se mettent à négocier avec leurs anciens démons, le mal ne disparaît pas : il change seulement de costume.