Guinée, 25 juillet (Infosbruts.com) – Dans une Guinée où les discours sur la refondation de l’État se multiplient, un maillon essentiel reste cruellement négligé : les collectivités locales. Pourtant, ce sont bien les communes qui assurent la gestion quotidienne de services aussi fondamentaux que l’état des routes, l’accès à l’eau, à la santé, à l’éducation ou encore à la sécurité.

Mais sur le terrain, la gouvernance locale est à bout de souffle. Faute de moyens, de pouvoirs réels et de reconnaissance, les mairies guinéennes peinent à remplir leur mission. Pire, dans la dynamique actuelle de transition, elles semblent absentes des réformes structurantes. Comme si la décentralisation n’était qu’un slogan oublié.
Une décentralisation à l’arrêt
Depuis la réforme de 2006 et les élections communales de 2018, de nombreux citoyens espéraient une administration de proximité plus forte, plus responsable, et plus réactive. Mais cette ambition s’est heurtée à une réalité brutale : les communes manquent de tout.
Les fonds transférés par l’État sont rares, arrivent tardivement, et sont souvent affectés sans dialogue. Les recettes locales ? Trop faibles pour couvrir des besoins immenses. Le personnel communal est souvent sous-formé, quand il n’est pas tout simplement absent. Résultat : dans tout le pays, de Conakry à Koubia, les élus bricolent, les agents improvisent et les citoyens désespèrent.

Des chiffres qui en disent long
• Moins de 15 % des communes disposent d’un Plan de Développement Local (PDL) actualisé.
• 80 % des communes rurales n’ont ni ingénieur, ni informaticien, ni agent technique permanent.
• Les transferts budgétaires aux communes représentent moins de 5 % du budget national, alors que les normes régionales recommandent au moins 15 %.
• La formation des élus locaux reste quasi-inexistante, malgré les promesses répétées de l’État et de ses partenaires.
Ces données, issues de rapports publics et d’études indépendantes, illustrent l’ampleur du décrochage territorial que vit la Guinée.
Pour une véritable gouvernance locale
Face à ce constat, il est urgent de relancer sérieusement la décentralisation. Voici quelques pistes concrètes à explorer :
1. Augmenter et sécuriser les transferts financiers vers les communes, selon des critères clairs et contrôlables.
2. Créer un Fonds national d’investissement local, destiné aux infrastructures de base : eau, écoles, routes, assainissement.
3. Former systématiquement les maires, secrétaires et comptables communaux, à travers une école nationale dédiée à la gouvernance locale.
4. Instaurer des mécanismes de redevabilité : audits citoyens, panels de suivi, budgets participatifs, forums communaux réguliers.
5. Intégrer les collectivités locales dans toutes les étapes de la transition politique, du recensement électoral à la réforme de l’administration publique.
Reconstruire l’État à partir des territoires
Refonder la Guinée sans ses communes, c’est ignorer là où bat le cœur de la République. C’est dans les quartiers, les districts, les sous-préfectures, que se joue la reconquête de la confiance entre l’État et les citoyens. C’est là que s’exerce la démocratie du quotidien, celle qui touche à l’eau courante, aux routes praticables, aux écoles ouvertes et aux soins accessibles.
La transition ne pourra réussir que si elle fait de la gouvernance locale un pilier stratégique, et non une variable d’ajustement.
Par Mamadou Diouldé Sow, activiste de la Société Civile