Labé, 04 mai (IBC) – Alors que la Guinée est engagée dans le processus de recensement administratif à vocation d’état civil (RAVEC), des situations exceptionnelles mettent en lumière la précarité juridique et sociale de certains citoyens. C’est le cas d’Aïssatou Lamarana, une jeune femme de 24 ans réfugiée à Labé depuis près de six ans, qui vit dans une détresse identitaire profonde.

Originaire supposée de la commune rurale de Yembéring, dans la préfecture de Mali, Aïssatou Lamarana a grandi dans le district de Samantan, élevée par dame Kadiatou, une enseignante à la retraite résidant à Conakry. Elle n’a jamais connu ses véritables parents. Ce n’est qu’à l’âge de 18 ans, après plusieurs projets de mariage avortés en raison de l’opposition de celle qu’elle croyait être sa mère, qu’elle découvre la vérité sur son origine : elle n’est pas la fille biologique de Kadiatou.
Troublée et sans repère, Aïssatou se réfugie à Labé pour tenter de se reconstruire. Mais là encore, chaque nouvelle rencontre amoureuse achoppe au même obstacle : les familles des prétendants exigent de connaître ses origines et sa filiation.
Contrainte de présenter dame Kadiatou comme sa mère, elle se heurte systématiquement à un rejet ou à des doutes, relançant chaque fois le traumatisme de son passé.
Saisie par l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme (OGDH), la direction préfectorale de la Promotion féminine, de l’Enfance et des Personnes vulnérables de Labé a ouvert une enquête. Les investigations révèlent que dame Kadiatou a recueilli et élevé au moins quatre enfants dans des conditions similaires, sans être mariée et sans fournir aucune explication sur leur provenance. Ses proches affirment ne rien savoir de ces enfants ni des circonstances de leur accueil, soulevant des interrogations lourdes de conséquences dans un contexte national marqué par des cas de disparitions d’enfants et de vols de nouveau-nés.
Face à cette situation préoccupante, les autorités locales, avec l’appui de l’OGDH, ont décidé de porter l’affaire devant le Tribunal de Première Instance (TPI) de Labé, afin de faire toute la lumière sur ce dossier.
En attendant l’issue judiciaire, Aïssatou Lamarana reste dans une impasse administrative. Ne disposant d’aucun document d’état civil, elle est incapable de participer au recensement en cours. Elle ignore quels renseignements fournir concernant son lieu de naissance, son identité exacte ou ses ascendants. Un vide juridique et humain qui la prive de tous ses droits fondamentaux en tant que citoyenne.
Ce cas interpelle les autorités compétentes sur la nécessité d’inclure, dans le processus de recensement, des mécanismes d’identification alternatifs et d’accompagnement social pour les personnes en situation de rupture d’identité. Il illustre aussi l’urgence d’un encadrement plus rigoureux des pratiques d’adoption ou de prise en charge informelle d’enfants, afin de garantir leur traçabilité et leur dignité.
Idrissa Sampiring DIALLO pour Infosbruts.com