Labé, 28 Oct (Infosbruts.com) – Le tribunal correctionnel de Labé a tenu ce mardi une audience très suivie opposant le Ministère public et Elhadj Lamine Sangaré, secrétaire général de l’Union régionale des travailleurs de Labé (CNTG), à maître Chérif Pammel Haïdara, secrétaire général de l’USTG–secteur transport et ancien membre de la CNTG. Le dossier porte sur des accusations de diffamation par voie de presse et de discrédit, mais les débats ont rapidement pris la tournure d’une affaire de gestion controversée d’un terrain appartenant aux travailleurs de Labé.

Maitre Chérif Pammel Haïdara, Secrétaire général du Syndicat des Chauffeurs et Mécanique Générale (USTG) de Labé
Tout est parti d’une déclaration de maître Chérif Pammel sur les ondes d’Espérance FM, où il accusait Elhadj Lamine Sangaré d’avoir bradé une parcelle octroyée aux syndicats pour la construction de la bourse du travail. Une affirmation que ce dernier juge mensongère et diffamatoire. Refusant de se rétracter, Chérif Pammel a été poursuivi en justice.
A la barre, ce mardi, l’accusé a nié toute diffamation, assurant disposer de documents prouvant la cession effective d’une partie du terrain à un opérateur économique, Ibrahima Diallo. Il a produit un plan de masse établi à son nom, ainsi qu’une décision préfectorale d’octobre 2015, signée par le commandant Mamadou Lamarana Diallo, alors préfet de Labé, aujourd’hui préfet de Télimélé, autorisant l’occupation du terrain. Curieusement, sur ce document, le cédant n’est autre que l’État guinéen.
Selon maître Pammel, la transaction a bien eu lieu et Elhadj Lamine Sangaré en serait le principal bénéficiaire. Il a reconnu avoir lui-même retiré 200 millions de francs guinéens à la banque pour les remettre à son supérieur syndical de l’époque, feu Elhadj Maladho Zawia, qui aurait ensuite transmis l’argent à Elhadj Sangaré. Le procureur a toutefois précisé qu’en réalité, 300 millions GNF auraient été versés pour cette parcelle.
Pour le parquet, ces éléments démontrent une responsabilité partagée. « Tous sont compromis dans cette affaire », a lancé le procureur, avant de préciser que le terrain en question appartient à la justice et qu’aucune construction n’y sera autorisée tant qu’il sera en poste à Labé.

Elhadj Lamine Sangaré, Secrétaire Général de l’Union Régionale des Travailleurs (CNTG) de Labé
De son côté, Elhadj Lamine Sangaré s’est défendu en expliquant que le terrain avait été attribué en 2009, à sa demande, par le préfet de l’époque Elhadj Safioulaye Bah, à l’inter-syndical CNTG–USTG. Il affirme avoir mis en place une commission chargée de négocier avec un partenaire capable de valoriser le site. Selon lui, il n’a jamais été question de vente, mais plutôt d’un contrat de bail : l’entrepreneur devait construire la bourse du travail à l’étage et exploiter les magasins au rez-de-chaussée.
Il a nié avoir perçu de l’argent directement et soutient que les 150 millions GNF évoqués concernaient les travaux de déblayage du terrain. « Je suis surpris de voir un plan de masse au nom d’Ibrahima Diallo. C’est une affaire que je n’ai jamais validée », a-t-il déclaré.
Le procureur a relevé plusieurs incohérences chronologiques, notamment le fait que la décision préfectorale produite date de 2015 alors que les versements auraient été effectués antérieurement. Face à ces zones d’ombre, il a annoncé l’ouverture d’une enquête pour détournement, faux et usage de faux, et a proposé la comparution des deux anciens préfets, Elhadj Safioulaye Bah et commandant Mamadou Lamarana Diallo, actuellement Colonel ainsi que celle de l’opérateur économique Elhadj Ibrahima Diallo, afin de clarifier les faits.
Mais le tribunal a rejeté la demande d’audition des deux anciens préfets, estimant que cette phase de l’instruction devait se concentrer sur l’accusation de diffamation. En revanche, il a ordonné la comparution d’Elhadj Ibrahima Diallo, pour confirmer ou infirmer l’existence d’une vente effective du terrain.
Fait notable : aucun document officiel n’a été produit pendant l’audience pour attester que le terrain avait bien été affecté à l’inter-syndical CNTG–USTG en 2009. Elhadj Lamine Sangaré a promis de fournir ce document lors de la prochaine séance.
Avant de renvoyer le procès au 11 novembre 2025, le président du tribunal a déploré la mauvaise gestion du dossier par les deux responsables syndicaux, tandis que le procureur a parlé d’une gestion « catastrophique ». Le tribunal a aussi pointé la responsabilité morale d’Elhadj Lamine Sangaré, qui n’a pas exigé de compte rendu de la commission qu’il avait lui-même mise en place.
Au-delà de la diffamation, cette affaire met en lumière les zones d’ombre dans la gestion du patrimoine des travailleurs de Labé. La prochaine audience, en présence d’Elhadj Ibrahima, pourrait enfin lever le voile sur ce que beaucoup considèrent déjà comme un dossier explosif mêlant syndicats, terrain public et responsabilités administratives.
Chérif Sampiring Diallo pour infosBruts.com
« Le récit des faits, l’écho du terrain. »












