Lélouma, 8 août ( infosBruts.com ) – Le café « Chez Sally », au centre de Lélouma, est bruyant cet après-midi. Les véhicules soulèvent la poussière rouge de la route, les clients discutent fort, les tasses s’entrechoquent. Au fond, quatre hommes parlent de l’école, celle de leurs enfants. Et très vite, la conversation devient une sorte de diagnostic collectif.

Abdoulaye Diallo, la cinquantaine, pose sa tasse et soupire. Selon lui, le problème saute aux yeux. A Lélouma, dès qu’un enfant atteint la septième année ou le lycée, beaucoup de parents le retirent pour l’envoyer ailleurs. Labé, Conakry, parfois même Dakar. « Ici, dit-il, les parents n’ont plus confiance dans le système éducatif. Ils pensent que les enfants n’apprennent pas assez, que le niveau est tombé très bas. »
Un autre, instituteur dans une école publique, réagit aussitôt. Il ne cherche pas à se défendre, mais à nuancer. « Les élèves sont moins motivés. On leur donne des devoirs, certains les font, d’autres refusent carrément. Quand on les punit, ça ne leur fait rien. L’école ne les fait plus rêver. »
Autour de la table, un homme rit nerveusement. Il prend la parole, avec ce ton un peu fataliste des gens qui ont renoncé à s’étonner. « Comment voulez-vous qu’ils rêvent d’école ? Ils voient leurs grands frères partir au Sénégal, en France ou ailleurs. Ils reviennent avec des voitures, construisent des maisons, et deviennent les héros du quartier. L’aventure est devenue leur diplôme. »
Les visages se ferment. Dans le café, un silence de quelques secondes s’installe. Puis un enseignant à la retraite, voix lente, intervient doucement. « Le vrai problème, c’est la maison. L’éducation, ce n’est pas à l’école qu’elle commence. L’école enseigne, la maison éduque. Mais aujourd’hui, les parents ont tout délégué aux enseignants. Ce n’est pas normal. Ce n’est pas juste. »
Un client acquiesce d’un signe de tête. Une autre gorgée de café. Le bruit des motos couvre la conversation, mais les mots restent suspendus, lourds de sens. Tout le monde, ici, semble savoir que quelque chose s’est brisé entre les générations.
A Lélouma, l’école se cherche encore. Les enseignants manquent, les parents doutent, les élèves rêvent d’ailleurs. Et pendant ce temps, les classes se vident peu à peu, comme si le savoir n’avait plus la même valeur.
Pourtant, malgré tout, certains continuent d’y croire. Des enseignants obstinés, convaincus que l’école, même blessée, reste la seule promesse sérieuse d’un avenir meilleur. Mais combien de temps tiendront-ils encore, seuls face à l’indifférence générale ?
Dehors, le soleil décline. Le café se vide lentement. La discussion s’est éteinte, mais la question, elle, reste brûlante : que vaut une société qui laisse tomber son école ?
Chérif Sampiring Diallo pour infosBruts.com
« Le récit des faits, l’écho du terrain. »













