Labé, 7 octobre (Infosbruts.com) – Dans la capitale du Fouta-Djallon, les relations entre le gouvernorat régional et la préfecture centrale de Labé suscitent de vives interrogations. Depuis plusieurs mois, observateurs et acteurs locaux dénoncent un glissement préoccupant : celui d’un gouvernorat de plus en plus envahissant, au détriment d’une préfecture reléguée au second plan. La question n’est plus anodine : le rôle de tutelle et de coordination régionale n’est-il pas en train de se muer en gestion directe des affaires locales ?

Le référendum constitutionnel du 21 septembre 2025 a cristallisé les tensions. Plusieurs médias locaux ont rapporté des irrégularités autour de la gestion des primes versées aux agents des bureaux de vote dans la préfecture de Labé.
Normalement, cette opération relève de l’autorité préfectorale, à travers le directeur préfectoral des élections. Pourtant, selon de multiples sources, c’est le directeur régional des élections, Aboubacar Touré, qui aurait supervisé la distribution des fonds jusque dans des districts relevant du ressort préfectoral. Une démarche perçue comme un contournement hiérarchique et une ingérence manifeste. Ce n’est pas un cas isolé. Beaucoup y voient un symptôme d’un déséquilibre plus profond : un pouvoir régional qui s’immisce, de manière systématique, dans la gestion quotidienne des affaires préfectorales.
Plusieurs facteurs expliquent cette porosité institutionnelle, devenue presque structurelle à Labé. La préfecture de Labé abrite le siège du gouvernorat régional. Cette cohabitation géographique entretient une proximité institutionnelle qui brouille parfois les lignes de compétence. Lorsque la tutelle et l’exécutif local partagent le même territoire administratif, les frontières hiérarchiques se diluent. Le gouvernorat dispose souvent de moyens humains, logistiques et financiers largement supérieurs à ceux de la préfecture. Dans les faits, cette supériorité incite les services régionaux à intervenir directement là où la préfecture peine à agir, au nom de « l’efficacité ».

Avec un personnel limité, peu de ressources et une faible capacité d’intervention, la préfecture de Labé peine à assumer pleinement ses missions. Le gouvernorat, mieux équipé, en profite parfois pour s’imposer comme un exécutif parallèle. Les textes régissant les rapports entre gouvernorat et préfecture restent ambigus. Certaines attributions ne sont pas clairement délimitées, notamment dans les préfectures abritant le siège régional. Cette imprécision alimente les chevauchements de compétence et les rivalités de terrain.
Les effets de cette confusion sont multiples et préoccupants. Privée de certaines de ses prérogatives, la préfecture perd en légitimité et en autorité auprès des populations. Les doublons d’action nourrissent les rivalités entre cadres régionaux et préfectoraux, minant la cohésion administrative. Une autorité régionale, éloignée du terrain, n’a pas la même connaissance des réalités locales qu’une préfecture enracinée. En s’habituant à la tutelle omniprésente du gouvernorat, la préfecture risque de s’installer dans la dépendance.
Plusieurs pistes peuvent aider à restaurer une gouvernance locale plus claire et plus efficace. Le ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation (MATD) gagnerait à organiser des sessions de formation sur les rôles respectifs des acteurs administratifs. Une révision des décrets et arrêtés relatifs aux attributions du gouvernorat et de la préfecture s’impose, notamment pour les préfectures-sièges. Il est également nécessaire de doter la préfecture de Labé de moyens logistiques et budgétaires suffisants afin qu’elle puisse remplir ses missions sans dépendance excessive. Des réunions de coordination régulières entre le gouvernorat, la préfecture et les services déconcentrés contribueraient à dissiper les malentendus. Enfin, médias, élus locaux et citoyens doivent exercer un contrôle citoyen afin d’assurer la transparence et le respect des compétences.
Le cas de Labé révèle les dérives d’un système administratif où les frontières de compétence se sont estompées. Restaurer la préfecture dans son rôle opérationnel, tout en réaffirmant la mission de tutelle du gouvernorat, apparaît aujourd’hui comme une urgence. C’est à ce prix seulement que la gouvernance locale pourra retrouver son sens : celui d’une administration efficace, proche des citoyens et respectueuse du principe de subsidiarité.
Par Idrissa Sampiring Diallo, pour InfosBruts.com













