Koundara, 5 Juin (Infosbruts.com) – Le témoignage d’Édouard Kaly Boubane, ressortissant de Koundara et fonctionnaire de l’État, met en lumière une réalité peu souvent médiatisée : les discriminations identitaires et administratives que subissent certains citoyens guinéens en raison de leurs origines ethniques ou de leurs patronymes jugés « atypiques ». Dans un récit poignant livré lors d’un événement communautaire, il revient sur des épreuves vécues simplement parce qu’il porte le nom « Boubane », un nom authentiquement Bassari, mais souvent confondu avec une identité étrangère.

Tout commence en 2012, à sa sortie de l’université. En quête de sa première pièce d’identité nationale, Édouard se rend au commissariat central de Dixinn. C’est alors que le cauchemar commence. « Le commissaire m’a demandé ce qui prouvait que j’étais guinéen. J’ai présenté mon extrait de naissance, mais cela n’a pas suffi. Il a ordonné à ses agents de m’embarquer pour la maison centrale », raconte-t-il avec émotion.
Accusé à tort d’être un étranger, il est incarcéré sans enquête approfondie. Il faudra l’intervention du commissaire général Kassé, alerté par des proches, pour que sa libération soit ordonnée tard dans la soirée, vers 22h. « On a vérifié mes origines, compris que je suis bien un Bassari de Koundara, une communauté guinéenne. On m’a enfin relâché », poursuit-il.
Mais la mésaventure ne s’arrête pas là. Plus récemment, dans le cadre d’une formation en Chine, alors qu’il cherche à renouveler son passeport, Édouard se heurte à de nouveaux soupçons. À la direction des Affaires générales (DAGE), une responsable met en doute son appartenance à la Guinée, avançant que les habitants de Koundara seraient pour la plupart « des Sénégalais ou des Maliens installés sur le territoire ». Une affirmation qu’Édouard rejette avec fermeté : « C’est honteux d’entendre cela d’une fonctionnaire de l’État. Vous ne connaissez même pas votre propre pays. »
Malgré ses justificatifs – certificat de nationalité, arrêté d’engagement en tant que fonctionnaire, pièces administratives officielles – il est confronté à des lenteurs injustifiées. Ce n’est que grâce à l’appui du colonel Sandé qu’il parvient, au bout de plusieurs jours, à débloquer la situation et obtenir son passeport.
Édouard Kaly Boubane n’est pas un cas isolé. Il cite d’autres exemples dans la communauté Bassari : Ernest Boubane, enseignant, dont les documents ont été déchirés au poste d’enrôlement ; le Père Sébastien Bidiar, prêtre, à qui un passeport a été refusé simplement à cause de son nom « jugé étrange ».
« Nous sommes des Guinéens à part entière, mais nous sommes encore considérés comme des étrangers à cause de nos noms », déplore-t-il. Selon lui, cette marginalisation est renforcée par le manque de visibilité de la communauté Bassari dans les sphères administratives et politiques nationales.
Il conclut en appelant à une reconnaissance pleine et entière des Bassaris et de toutes les communautés dites « minoritaires » : « C’est grâce au festival culturel Bassari, appelé Festival des Arts du Badiar (FESTAB) organisé régulièrement à travers ONG PROPICE que nous arrivons à faire connaître notre culture et nos valeurs. Il est temps que la Guinée nous accepte pour ce que nous sommes : des enfants du pays. »
Ce témoignage, aussi bouleversant qu’instructif, invite à une réflexion profonde sur l’inclusion, l’identité nationale et le traitement équitable de tous les citoyens, quelle que soit leur origine ethnique ou régionale.
Par Idrissa Sampiring DIALLO pour Infosbruts.com
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