Guinée, 28 Juin (IBC) – Fin avril 2006, alors que l’honorable Mamadou Bah Baadicko, actuel député à l’Assemblée Nationale guinéenne, venait de prendre la direction de son parti, suite au décès du Pr Alpha Ibrahima Sow, l’Union des Forces Démocratiques (UFD) avait publié un communiqué appelant « tous les patriotes à se mobiliser afin de faire échec à ce gigantesque hold-up dont nous ne connaissons pas d’exemple ailleurs dans le monde, même dans le Zaïre de Mobutu Sese Seko, pourtant orfèvre en la matière ». Quatorze (14) ans après cette alerte maximale, le constat est le même. La situation n’a toujours pas changée. La Guinée est toujours prise en otage par les réseaux mafieux internationaux, même avec l’accession à la magistrature suprême du pays par président Alpha Condé, « opposant historique » crédité de 40 ans de lutte pour l’instauration de la Démocratie, de l’Etat de droit favorisant l’essor économique de la Guinée. Et l’Union des Forces Démocratiques (UFD) de Mamadou Bah Baadicko toujours constante dans son noble combat. Pour en avoir le cœur net, la rédaction de votre quotidien en lingne InfosBruts.com vous invite à lire ou relire l’intégralité de ce document ci-dessous publié par la Direction Nationale de l’UFD, le 26 avril 2006.
Citation:
Depuis quelque temps, nous assistons à une avalanche de signatures de gros contrats portant sur l’exploitation des richesses minières de notre pays. Il ne se passe plus de mois ou de semaine sans qu’on ne nous annonce à grand renfort de publicité, la conclusion de conventions de concessions avec des groupes, illustres inconnus sur la scène économique mondiale.
De très nombreuses exploitations minières sont ouvertes ou en voie de l’être dans le pays. La plus ancienne (1973) est la Compagnie des Bauxites de Guinée (CBG) à Boké-Sangérédi, détenue à 49% par l’Etat guinéen, le reste étant contrôlé par un consortium conduit par le trust américain ALCOA. La participation guinéenne n’a jamais produit de dividendes depuis 1973 !
Par la suite, de nombreux permis miniers ont été accordés à des « investisseurs », tous plus curieux les uns que les autres :
1. Nous avons eu la société AREDOR, contrôlée par une nébuleuse dirigée par des Australiens et qui, après avoir récupéré les réserves de diamant les plus intéressantes à Kérouané, a mis la clé sous le paillasson, avant de disparaître de la circulation.
2. La Compagnie des Bauxites de Kindia (mine de Débélé), successeur de la défunte SBK (Société des Bauxites de Kindia) est exploitée par la société russo-ukrainienne RUSAL apparue sur la scène en 2000. Son patron connu est M. Anatoly Pantchenko.
3. L’Aluminium Company of Guinea (ACG), contrôlée apparemment par les mêmes actionnaires que RUSAL, exploite depuis quelques années, la mine de Fria-Kimbo appartenant à la société d’Etat FRIGUIA SA, après en avoir évincé un groupe libanais associé à des personnalités guinéennes, la Tékron Resources dont les actionnaires sont les frères Karjian.
4. Les mines d’or de Dinguiraye sont exploitées par la SMD, la Société des Mines de Dinguiraye, filiale à 85% d’une société norvégienne, la GUINOR. Le reste des actions est détenu par l’Etat guinéen, conformément aux dispositions du Code minier. Cette société est en voie d’être reprise par l’Australienne Crew Gold.
5. Le conglomérat Anglo-Gold-Ashanti extraie l’or de Siguiri par le biais de la Société Aurifère de Guinée, contrôlée à 85%. Une dispute fiscale de 100 millions de dollars US oppose cette société à l’Etat guinéen. Une transaction pour règlement amiable serait en cours pour 5 millions de dollars US avec l’actuel ministre des mines.
6. Un permis d’exploitation du fer du Mont Nimba a été concédé à la société Euromines. 7. Une société, la Hyper-Dynamics vient de s’adjuger l’exclusivité de l’exploration pétrolière off shore le long des côtes guinéennes.
8. La société Global Alumina a obtenu une concession sur la partie supposée non rentable du massif minier de Sangaredi. Ses actionnaires ne sont autres que ceux de la société Tekeon Resources, grassement dédommagée de 300 millions de dollars par RUSAL, en vertu du jugement d’un tribunal londonien.
8. La mine d’or de Keniero à Kouroussa est exploitée par une société marocaine, la SEMAFO, filiale d’une société de droit canadien et contrôlée, selon la rumeur publique, par une des épouses du chef de l’Etat.
9. Le 30 mars 2006, un décret présidentiel a accordé une concession minière sur le fer du Mont Simandou à la société SIMFER , filkiale de Rio-Tinto.
10. Le 19 avril 2006, a été installée en grande pompe à Conakry, la COBAD, Office de la Compagnie des Bauxites et d’Alumine de Dian Dian, contrôlée par la même RUSAL. De nombreuses hautes personnalités de la république, ministres, président du parlement étaient présents à la réception.
11. Dans le même temps, on apprend qu’un autre groupe d’« investisseurs » chinois, grecs et japonais, conduits par un député, M.Mamady Diawara, cacique du parti au pouvoir, rôdent et tentent d’obtenir d’importantes concessions minières. Leur société, la 3 PL Trade-Chalco promène à travers le monde des documents d’agrément qui auraient été obtenus de l’Assemblée nationale guinéenne, à la recherche de « partenaires ».
Les rails du chemin de fer Conakry-Niger ont été démantelés par des proches du chef de l’Etat et vendus à la Chine comme ferraille. Ce chemin de fer a été construit au début du siècle par la colonisation française qui, à l’époque utilisait presque exclusivement des travailleurs forcés. La même bande qui a arraché les rails veut se ruer à présent sur les ponts de chemins de fer. De fréquentes échauffourées l’opposent aux villageois, révoltés par cet acte inqualifiable de confiscation du patrimoine public, produit de la sueur et du sang de nos grands parents. La Chine moderne va se construire par la destruction de notre infrastructure économique.
Dans le secteur forestier, des Chinois ont réussi à mettre la main sur tout ce qui reste de la forêt guinéenne par le biais d’une « Loi sur la Forêt forte », parrainée par le Président de l’Assemblée nationale.
A l’intérieur du pays, les quelques forêts classées de teck, de sapins et d’eucalyptus mises en place pendant la colonisation française ou au début de l’indépendance, sont entrain d’être décimées par des exploitants d’un type particulier, venant de Conakry, parfois escortés par la Garde présidentielle. Des préfets véreux participent eux aussi à la curée.
Les richesses halieutiques guinéennes ont été très tôt la proie de compagnies de pêche étrangères ayant obtenu des permis de la part du gouvernement guinéen. Certaines personnalités haut placées dans la République ont des intérêts dans ces entreprises de pêche contrôlées par des étrangers. Aujourd’hui, nos côtes sont tellement appauvries que les artisans pêcheurs, sans grands moyens ne peuvent plus exercer valablement leur activité traditionnelle le long de nos côtes.
Ce tableau dramatique qu’offre aujourd’hui la Guinée appelle les remarques suivantes :
1. Entreprises concessionnaires invisibles, logées dans des paradis fiscaux
Pratiquement toutes les sociétés bénéficiaires de concessions minières, en dehors du trust minier Alcoa et du conglomérat Anglo-Gold-Ashanti, sont inconnues sur la scène économique mondiale. Ces entreprises sont presque toutes domiciliées dans des paradis fiscaux, aux Iles Caïmans, dans les Iles Marshall ou en Russie où règne la mafia. Aucune d’entre elles n’est cotée régulièrement dans une bourse et ne peut donc faire l’objet d’aucun contrôle. Ces sociétés ne sont soumises à aucune obligation d’information sur leurs activités ni sur leur actionnariat et encore moins sur leur comptes. On ne leur connaît aucun savoir faire technologique, ni aucune expérience dans le domaine minier. L’origine et la taille réelle de leurs bras financiers sont inconnues. Le peu d’informations disponibles sur ces sociétés montrent un enchevêtrement inextricable de sociétés-écrans, derrière lesquelles on retrouve presque toujours les mêmes personnages étrangers et les mêmes sponsors guinéens, appartenant aux hautes sphères de l’Etat ou du parlement.
2. Attribution des marchés et concessions au gré à gré dans une opacité totale
Toutes les concessions minières ont été attribuées par des procédés de gré à gré, sans aucun appel d’offres. L’unique appel d’offre jamais lancé en 1999 pour la gestion de FRIGUIA avait été déclaré infructueux… Parfois, ce sont les disputes entre les prétendants, ou entre leurs sponsors guinéens, qui alertent l’opinion sur les tractations en cours. Les transactions se font dans l’opacité totale.
Lorsque les accords sont soumis pour ratification à l’assemblée, la totalité de l’information n’est pas disponible. Les députés doivent accepter ou rejeter en bloc l’accord. L’Assemblée étant dominée à plus de 80% par le parti au pouvoir, en notre connaissance, aucun accord n’a jamais été rejeté jusqu’ici par les honorables députés. Beaucoup de parlementaires, y compris le président de la Chambre, ne se gênent pas parfois pour monter au créneau et défendre eux-mêmes en coulisses les projets soumis à leur approbation.
3. Conditions financières ruineuses pour la Guinée
L’attribution de ces concessions du domaine national ne donne lui qu’à des versements symboliques, sans rapport avec les prélèvements opérés sur notre sous-sol. Faut-il rappeler que ces richesses ne sont pas renouvelables ? Les sociétés concessionnaires utilisatrices des infrastructures financées et entretenues par l’Etat guinéen ne paient que des sommes modiques en contrepartie. Ces paiements ne couvrent même pas les frais de fonctionnement, à plus forte raison, les amortissements indispensables au renouvellent des immobilisations. Ainsi, RUSAL ne paie en tout et pour tout à l’Etat guinéen que 4,5 millions de dollars US pour couvrir la redevance minière et l’utilisation des infrastructures ! De plus, les contrats d’exploitation de FRIGUIA par exemple ont fixé une fois pour toutes un prix ridicule pour la vente d’e notre alumine, soit 130 $ contre 500 $ la tonne sur le marché mondial. Or, du fait de la forte demande mondiale tirée par l’explosion de l’activité industrielle en Chine, toutes les matières premières ont vu leurs cours grimper à des sommets jamais atteints. Les recettes fiscales de l’ensemble du secteur minier n’ont pas dépassé 80 millions de $ en 2003 et ne couvrent même pas la moitié du service de la dette extérieure. Quant aux dividendes sur les actions de 15% détenus par la Guinée, il ne peut en être question, les sociétés se déclarant toutes en lourdes pertes fiscales depuis toujours ! Feu Sékou Touré qui avait signé le contrat de la CBG savait de quoi il parlait lorsqu’il s’était un jour écrié : « l’ exploitation de la bauxite ne donne que des revenus aléatoires et insignifiants ». Il est admis aujourd’hui que l’Etat guinéen sous la Première République encaissait beaucoup plus de revenus miniers qu’aujourdhui.
4. Dommages irréparables à l’environnement
L’exploitation minière est hautement polluante car elle rejette dans les cours d’eau et la nature des résidus chimiques hautement toxiques : cyanure, dioxine, acides de toutes sortes, nitrates, etc. Rien n’est mis en place pour contrôler ou même atténuer cette dangereuse pollution qui affecte déjà toutes les régions minières du pays.
Ainsi donc, la Guinée, classée parmi les pays les plus pauvres du monde est dépouillée de toutes ses richesses minières. RUSAL ne se traduit-il pas en langue nationale Pular « dépouiller, plumer » ?
L’exploitation rationnelle et organisée de ces ressources lui aurait pourtant permis de bâtir une véritable politique de développement au service de la majorité de sa population.
Il y a un parallèle saisissant entre cette confiscation de nos ressources naturelles et la faillite de l’Etat guinéen qui ne peut honorer ses engagements intérieurs et extérieurs. L’unique « ressource » qu’on lui connaît, est la planche à billet dont l’utilisation abusive a fait tomber le Franc guinéen à la moitié de sa valeur en un an. La paupérisation de la population a atteint un niveau intolérable.
Pendant que l’Etat guinéen n’a ni Président valide, ni Premier ministre, les fidèles et proches du Chef de l’Etat malade et impotent, aidés par des complicités extérieures, font main basse sur toutes les richesses du pays, sans que rien ne puisse apparemment les arrêter. L’Assemblée nationale, loin de protéger le patrimoine national avalise ces actes criminels. Son Président semble d’ailleurs entièrement occupé à se constituer un trésor de guerre, pour financer sa bataille pour la succession du Chef de l’Etat.
Dans cette période très difficile de son histoire, la Guinée est livrée comme une proie sans défense aux pires vampires de la planète, alliés à des dirigeants guinéens corrompus, cupides et irresponsables. Notre pays est devenu le terrain privilégié du crime organisé originaire du Moyen-orient et de l’ex-Union soviétique et de la Chine. L’avenir des générations futures est ainsi sérieusement compromis, sans compter le triste sort fait aux générations présentes.
Face à cette situation qui révolte la conscience de tous ceux et de toutes celles qui sont attachés à la survie de la Guinée et à son développement, nous appelons tous les patriotes à se mobiliser afin de faire échec à ce gigantesque hold-up dont nous ne connaissons pas d’exemple ailleurs dans le monde, même dans le Zaïre de Mobutu Sese Seko, pourtant orfèvre en la matière.
De même, nous appelons les pays amis, les organisations multilatérales d’aide et de financement du développement, à exiger du gouvernement guinéen, la revue de tous les contrats miniers en cours de validité, afin de rétablir les droits du peuple à disposer dans son intérêt, des richesses de son sol et à protéger les intérêts des générations futures.
Conakry, le 25 avril 2006
Le Bureau exécutif de l’UFD.